"La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire." Jean-François Revel - Extrait d'un Entretien avec Pierre Assouline - Novembre 1988

jeudi 23 août 2012

LA TRAGÉDIE DE L'EURO - PARTIE 1 : LA GRÈCE S'ENFONCE DANS LA TRAGÉDIE ET LA MISÈRE




Jour après jour, l'actualité nous fournit les preuves les plus accablantes de la réalité de la situation créée par la monnaie commune européenne.  Ainsi, entre le 30 juillet et le 23 août 2012, on a appris successivement :
  • - que la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie continuent de s'effondrer,
  • - que l'ensemble de la zone euro s'enfonce dans la récession et le chômage de masse, y compris désormais des pays que l'on croyait prémunis comme l'Allemagne ou la Finlande,
  • - mais aussi, que la Suède et l'Islande sont amenées à réviser leur taux de croissance fortement... à la hausse.
   Tout cela se produit, bien entendu, dans la discrétion remarquable de nos médias.

Ces Armes de Désinformation Massive - qui sont tout ce qui reste à l'oligarchie européiste pour se maintenir au pouvoir - préfèrent focaliser l'attention de nos compatriotes sur d'autres sujets, la plupart du temps très subalternes.

Nos responsables politiques et nos médias éludent l'écrasante responsabilité de l'euro dans ce collapsus économique et social général. Et ils taisent le fait que seuls des pays ayant refusé l'UE ( Norvège, Suisse, Islande ) et l'euro ( Suède, Danemark ) échappent à cette catastrophe continentale .

C'est une excellente raison pour procéder ici à la ré-information que nos compatriotes sont en droit d'attendre d'un mouvement politique honnête, fiable, compétent et responsable.





PARTIE 1 - LA GRÈCE S'ENFONCE DANS LA TRAGÉDIE ET LA MISÈRE


On a appris, le 13 août 2012, que le PIB de la Grèce s'est effondré de -6,2% au deuxième trimestre 2012.

Cet effondrement (joliment qualifié de « contraction » par la dépêche de l'AFP ) se produit après un effondrement de -6,5% au premier trimestre. Pire encore, il s'agit de la 5ème  année de récession.La Banque de Grèce, qui a annoncé que le PIB avait chuté de -6,9% en 2011, a d'ailleurs abaissé son anticipation pour cette année, en annonçant une chute du PIB de -4,5% en 2012, taux qu'elle abaissera certainement encore dans les mois qui viennent.

Du reste, le peuple grec n'est pas sorti de l'auberge puisque, dans son dernier rapport sur la Grèce, la Commission européenne a renvoyé le retour à la croissance non pas cette année ni même l'an prochain, mais... à 2014.

Il faut bien avoir conscience de ce que de tels taux négatifs, encaissés année après année, représente : une catastrophe économique et sociale comme on n'en avait  jamais vu en Europe depuis les années 1930.   Le taux de chômage officiel continue de grimper de façon vertigineuse en touchant près du quart de toute la population (23,1% en mai) et les acquis sociaux sont détruits les uns après les autres.

En bref, la Grèce s'enfonce dans la misère.


Les files d'attente s'allongent devant la distribution de soupes populaires.

Effet des gaz lacrymogènes ou du désespoir ? Sans doute un peu des deux : une manifestante en larmes pendant une manifestation contre la "cure d'austérité" imposée à la Grèce. 


 

La misère s'étend à toute allure dans ce pays méditerranéen qui vivait fort bien avant d'entrer dans les mirages de la monnaie commune européenne. Désormais, de plus en plus de Sans Domicile Fixe en sont réduits à coucher dehors.


Un retraité grec éclate en sanglots pendant une manifestation. Après une vie de labeur, certains retraités grecs ont vu leur maigre pension réduite drastiquement et même purement et simplement supprimée.


L'euro et l'austérité budgétaire imposée à la Grèce par l'UE, la BCE et le FMI sont directement responsables de cet assassinat d'un peuple.

Le nouveau gouvernement du conservateur Antonis Samaras soutenu par le PASOK (PS) et  la gauche modérée en sont les parfaits complices, par communion dans la même idéologie démente.


Symbole même de l'oligarchie euro-atlantiste qui a pris le pouvoir en Occident sous couvert de "construction européenne", Mme Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a incriminé les Grecs en déclarant, dans une interview au journal britannique The Guardian le 26 mai 2012 : « Je pense que les Grecs devraient commencer par s'entraider collectivement en payant tous leurs impôts. »  Pour mesurer toute l'impudence de cette déclaration, il faut savoir que le salaire annuel de Mme Christine Lagarde s'élevait à 380.939 euros en 2011 (31.700 euros par mois) et qu'il n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu, en tant fonctionnaire international. 



L'Italien Mario Draghi, président de la BCE, ne dispose d'aucune légitimité populaire ou élective. Diplômé d'économie du Massachusetts Institute of Technology de Harvard en 1976, il a notamment présidé le Comité pour les privatisations en Italie, de 1993 à 2001. À ce titre, il a été membre du conseil d'administration de plusieurs banques et sociétés en phase de privatisation (Eni, IRI, Banca Nazionale del Lavoro-BNL et IMI). Il a ensuite été, de 2002 à 2005, vice-président de la branche européenne de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs. Laquelle banque d'affaires avait notamment monnayé ses services pour aider la Grèce à dissimuler son déficit public afin d'entrer dans l'euro. 


Tout ce beau monde est résolu à « construire l'Europe » et à « sauver l'euro » jusqu'à ce que la Grèce en crève.

C'est d'ailleurs, hélas, ce qui est en train de se produire. Car l'explosion du chômage, l'effondrement de l'ensemble de l'économie du pays s'effondre, la vente à l'encan du patrimoine public et la destruction méthodique des acquis sociaux, à commencer par les retraites, produisent leur effet : pendant que les euro-atlantistes martèlent, à Washington, Bruxelles, Francfort, Berlin ou Paris, que la Grèce doit absolument rester dans l'euro, le nombre de suicides est en progression fulgurante aux pays de Périclès, d'Homère et de Platon.

Tandis que la consommation d'antidépresseurs et les soins psychiatriques connaissent une hausse vertigineuse, le taux de suicides a augmenté de +18% en 2010 et encore de 25% en 2011. 
[ http://www.20minutes.fr/ledirect/962333/grece-employe-banque-suicide-jetant-acropole ]

La Grèce est ainsi le pays au monde qui connaît la plus forte augmentation du nombre de suicides.La Grèce était un pays heureux avant l'euro puisqu'il avait jusqu'à récemment le taux de suicide le plus bas de tous les pays européens. Il est en passe de devenir l'un de ceux où il est le plus élevé.




 
 16 septembre 2011 : Ruiné et n'ayant plus que 10 euros en poche, Apostolos Polyzonis, 55 ans, père de 3 enfants, tente de s'immoler par le feu devant une banque de Thessalonique, afin de protester contre la politique des banques et du gouvernement grec. Un policier grec qui lui porte secours avec un extincteur permettra de le sauver.


4 avril 2012 : Dimitris Christoulas, un retraité de 77 ans criblé de dettes et privé de retraites, se suicide en plein centre ville d'Athènes, sur la place Syntagma, à quelques centaines de mètres de l'entrée du Parlement grec. Cette tragédie a provoqué une immense émotion à travers tout le pays.





Sur les lieux du drame, des centaines de Grecs sont venus déposer des messages de condoléances, des petits bouquets de fleurs, des chandelles votives, des icônes de la Vierge Hodiguitria ("Qui montre le chemin" ), ainsi que des drapeaux grecs.


15 février 2012 : Une employée de l'Office public de Logement des Travailleurs (OEK), qui vient d'apprendre son licenciement, est sortie par la fenêtre de son bureau et menace de se jeter dans le vide, alors que l'une de ses collègues tente désespérément de l'en dissuader. Son licenciement fait partie d'un plan collectif dû à la fermeture de l'agence de l'OEK, exigée par l'Union européenne et le FMI. Après plusieurs heures de négociation, la désespérée finira par rentrer saine et sauve dans son bureau mais chômeuse.
  



28 juin 2012 : Un employé de banque grec d'une quarantaine d'années, qui à la banque agricole ATE frappée de restructurations, se suicide en se jetant du haut de l'Acropole.



Le pire, peut-être, est que cette tragédie grecque est en train de s'étendre, de proche en proche, à toute la zone euro.


François ASSELINEAU23/08/2012



À SUIVRE :

PARTIE 2 : LA CRISE S'ÉTEND ET LE CHÔMAGE EXPLOSE DANS TOUTE LA ZONE EURO




mercredi 22 août 2012

============ AFFAIRE À SUIVRE ============ NOUVEAU SUCCÈS DE LA DIPLOMATIE IRANIENNE : UNE CENTAINE D'ÉTATS DU MONDE ET UNE TRENTAINE DE CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT SERONT PRÉSENTS FIN AOÛT À TÉHÉRAN POUR LE SOMMET DES NON-ALIGNÉS



J'ai déjà eu l'occasion de souligner l'important succès diplomatique remporté par l'Iran il y a deux semaines (le 9 août dernier), dans l'organisation d'une conférence consultative sur la Syrie. 

Réunie à Téhéran, principal allié régional de Damas, cette conférence s'était déroulée en présence de représentants de 29 États, dont j'avais signalé qu'ils représentaient 3.528.129.000 habitants, soit 50,9 % de la population mondiale. 

L'Iran était donc parvenu à rassembler des dirigeants représentant une majorité de la population mondiale pour appeler à un dialogue national en Syrie et se démarquer ainsi de la position va-t-en-guerre du camp euro-atlantiste.

http://www.u-p-r.fr/actualite/monde/conference-syrie-teheran-damas

----------------------------------------------------------------------
UNE CENTAINE D'ÉTATS DU MONDE - ET UNE TRENTAINE DE CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT - PRÉSENTS
FIN AOÛT À TÉHÉRAN POUR LE SOMMET DES NON-ALIGNÉS 
----------------------------------------------------------------------
Cette fois-ci, l'Iran fait encore beaucoup mieux. 

Le chef de la diplomatie iranienne Ali Akbar Salehi vient en effet d'annoncer qu'au moins une centaine d'États, membres du Mouvement des Non-Alignés qui en compte 120, ont confirmé leur participation au prochain Sommet de cette organisation, qui se tient justement à Téhéran. 

Parmi cette centaine d'États représentés, une trentaine le seront par le niveau suprême de leur chef d'État ou de gouvernement. 

Parmi les dirigeants annoncés figurent notamment :

- le nouveau président égyptien Mohammad Morsi, qui transmettra à l'Iran la présidence tournante du Mouvement des Non-alignés. Fait important, il effectuera à cette occasion la première visite en Iran d'un chef d'État égyptien depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays il y a trente ans.

- le premier ministre indien Manmohan Singh, 

- le dirigeant cubain Raul Castro,

- le président libanais Michel Sleimane, 

- le président du Présidium de l'Assemblée populaire suprême de Corée du Nord Kim Yong-nam,

- le président du Soudan Omar el-Bechir,

- et aussi, plus inattendu compte tenu de son extrême proximité d'avec les Américains, l'émir du Qatar Hamad ben Khalifa al Thani. Sera-t-il là pour faire ensuite rapport à Washington ? Ou bien pour y mener une nouvelle intrigue ?

En revanche, le président syrien Bachar al-Assad, allié de Téhéran, « pourrait ne pas pouvoir assister au sommet. »

Outre les chefs d'État ou de gouvernement, plus de soixante pays seront représentés par leur ministre des affaires étrangères, ce qui est considérable.

À l'occasion de ce sommet, l'Iran prendra pour 3 ans (2012-2015) la présidence tournante du Mouvement des Non-alignés, qui a été exercée par l'Égypte pour la période 2009-2012, et qui sera ensuite confiée au Venezuela pour la période 2015-2018.


----------------------------------------------------------------------
UN INCONTESTABLE SUCCÈS DIPLOMATIQUE POUR L'IRAN
----------------------------------------------------------------------
Le ministère iranien des affaires étrangères a beau jeu d'insister sur 3 éléments :

1)- la centaine d'États représentés constitue un très bon chiffre, comparable à celui des sommets précédents des Non-Alignés, 

2)- ce sommet est le plus grand événement diplomatique de l'histoire de l'Iran.
Les Fêtes de Persépolis pour le 2.500ème anniversaire de l'Empire perse, organisées par le Shah d'Iran en 1971, n'avaient pas drainé autant de représentants d'États et n'avaient pas un objectif politique international. Elles avaient surtout un but de consolidation du régime monarchique iranien, et avaient attiré essentiellement des monarques, les présidents américain Nixon et français Pompidou ayant notamment décliné l'invitation.

3)- cette présence très nombreuse témoigne de l'échec des efforts euro-atlantistes visant à isoler le régime de Téhéran en raison de son programme nucléaire controversé. 
Le vice-président iranien Ibrahim Azizi a ainsi tenu à préciser que « la tenue de ce sommet va montrer au monde entier que les complots (des Occidentaux) contre notre gouvernement sont stériles. »

À ce propos, l'attention des chancelleries du monde entier se focalise actuellement sur la présence éventuelle du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, qui a été invité à ce Sommet. 

Selon le ministère des affaires étrangères iranien, celui-ci devrait venir, ce qui serait normal compte tenu de l'importance mondiale de l'événement. 

Mais, sa présence n'est pas sûre car le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a exercé des pressions considérables pour qu'il ne s'y rende pas, pressions qui ont été relayées par les autorités américaines. Le parti que prendra Ban Ki-Moon sera donc à suivre de près.

Parmi les autres participants, il sera intéressant de voir si la Chine, qui n'est plus membre du Mouvement des Non-Alignés mai seulement "observateur", sera représentée, et à quel niveau. 

De même, il sera important de voir si certaines rumeurs, qui font état de la venue surprise à Téhéran du président russe Vladimir Poutine et du président turc Abdullah Gül, seront ou non confirmées. 


-----------------------------------------
LE MOUVEMENT DES NON-ALIGNÉS
-----------------------------------------
Il est utile de rappeler que le Mouvement des Non-Alignés est une organisation internationale regroupant 120 États en 2008 (17 États et 9 organisations internationales y ayant en outre le statut d'observateur). Cela en fait l'organisation mondiale qui rassemble le plus d'États, à l'exception de l'ONU et des agences spécialisées de l'ONU.

Le terme de « Non-alignement » fut inventé par le Premier ministre indien Nehru lors d'un discours en 1954 à Colombo, capitale de l'île encore dénommée Ceylan à l'époque. 

Le Mouvement lui-même fut lancé en 1956, conjointement par Nehru, l'Égyptien Nasser, le Yougoslave Tito et le Cambodgien Sihanouk. Il visait alors, dans le contexte de la guerre froide, à se rassembler pour contrecarrer l'influence des États-Unis et de l'URSS qui cherchaient à rallier le monde à leur cause. 

Le premier Sommet se tint à Belgrade en 1961 : elle regroupa alors 25 États seulement. 

L'organisation, dont le siège est à Lusaka en Zambie, regroupe désormais près des deux tiers des membres des Nations unies et 55 % de la population mondiale.

[ Pour plus de précisions : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_non-align%C3%A9s ]

Le but du Mouvement des Non-Alignés a été redéfini, dans la 
« Déclaration de la Havane » de 1979, qui précise que les Non-Alignés visent à assurer « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme, et toute forme d'agression étrangère, d'occupation, de domination, d'interférence ou d'hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques » et de promouvoir la solidarité entre les peuples du tiers monde.

Qui, franchement, peut désormais être contre ces grands principes ? Principes qui sont d'ailleurs en parfaite harmonie avec les principes du droit international, tel qu'il a été codifié par la Charte des Nations-Unies ? 


-----------------------------------------------------------------------
CONCLUSION : UN PIED-DE-NEZ À LA THÉORIE GUERRIÈRE EURO-ATLANTISTE DU « CHOC DES CIVILISATIONS »
------------------------------------------------------------------------
Les pays représentés au Mouvement des Non-Alignés appartiennent à tous les continents (y compris l'Europe avec la Biélorussie), et en particulier l'Amérique du sud, toute l'Afrique, tout le Moyen Orient, le sous-continent indien et l'Asie du sud-est. 

Cette très grande variété constitue le plus grand pied-de nez que l'on puisse opposer au découpage artificiel par religions ou « civilisations » promu par les think-tanks bellicistes de Washington et de l'OTAN. 

Cette capacité massive de rassemblement des Non-Alignés fait ressortir par contraste ce qu'est l'OTAN / UE : un bunker agressif, qui ose se qualifier de « communauté internationale » alors qu'il ne représente même pas 20% des êtres humains vivant sur terre. 

Si la France renouait avec la grandeur de son histoire, ce n'est certes pas dans ce bunker occidental de l'OTAN / UE qu'elle devrait se placer. C'est son adhésion au Mouvement des Non-Alignés qu'elle devrait envisager. Pour contribuer à faire du IIIe millénaire un avenir de paix entre toutes les nations, tous les peuples et toutes les religions du monde.


François ASSELINEAU
==============

[En photo, de gauche à droite et de haut en bas : 
- le dirigeant cubain Raul Castro,
- le premier ministre indien Manmohan Singh, 
- le président égyptien Mohammad Morsi,
- le président du Soudan Omar el-Bechir,
- le président libanais Michel Sleimane, 
- le président du Présidium de l'Assemblée populaire suprême de Corée du Nord Kim Yong-nam.
Tous seront présents à Téhéran les 30-31 août, avec quelque 25 autres chefs d'État ou de gouvernement et une soixantaine de ministres des affaires étrangères d'autres pays du monde. ]

mardi 21 août 2012

L'EXEMPLE DU BAHREÏN == L'ALIGNEMENT COMPLET DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE LA POLITIQUE FRANÇAISE SUR WASHINGTON



7 août 2012 : François Hollande reçoit chaleureusement le roi du Bahreïn à l'Élysée.  




Le drapeau national du Bahreïn a été adopté par phases successives entre 1820 et 2002.  La dernière version ne compte plus que 5 pointes blanches sur le côté, qui représentent les "Cinq Piliers de l'Islam" ( c'est-à-dire les 5 obligations rituelles : profession de foi, prière cinq fois par jour, aumône, ramadan et pèlerinage à La Mecque).



-----------------------------------------------
PRÉSENTATION DU ROYAUME DU BAHREÏN
-----------------------------------------------

Le Royaume du Bahreïn (qui n'était que "l'Émirat du Bahreïn" jusqu'en 2002) (en arabe البحرين, littéralement « les deux mers ») est un petit État insulaire situé dans le Golfe Persique :

   


Ce petit royaume est comme coincé au fond d'un golfe, cerné à l'ouest, au sud et à l'est par deux voisins plus grands que lui :
  • l'Arabie Saoudite, dont les côtes ne sont distantes que d'une quinzaine de kilomètres. Le Bahreïn est d'ailleurs relié au royaume wahhabite par un lien fixe : une digue routière, financée par l'Arabie saoudite ( la King Fahd Causeway ), qui relie la capitale Manama à la grande ville saoudienne de Dammam ;                                
  • et l'Émirat du Qatar, qui est à peu près à la même distance que les côtes saoudiennes. Le royaume de Bahreïn a d'ailleurs la souveraineté sur quelques îlots distants, situés à 700 mètres seulement des côtes qatariennes.



D'une superficie de 665 km², le Bahreïn est à peu près grand comme le Territoire de Belfort ou la moitié du département du Val-d'Oise. La plus grande partie en est désertique. Ce qui donne à sa capitale Manama une très forte densité urbaine.

Bahreïn est le premier pays arabe du Golfe persique à avoir foré du pétrole en 1932. Mais il est également le premier à avoir asséché ses réserves de pétrole et il a fallu que l’Arabie Saoudite toute proche lui vienne en aide en lui cédant les revenus du champ pétrolier off shore d'Abou Safa, à cheval sur les deux territoires, pour maintenir la viabilité du royaume.


L’économie du Bahreïn reste donc extrêmement dépendante du pétrole qui représente 60 % des exportations du pays, 70 % des recettes de l'État et 30 % du PIB.




Bahreïn d'hier et d''aujourd'hui :  
  • au premier plan, les "dhows", embarcations traditionnelles à voile qui servaient notamment à la pêche et à la collecte de perles fines lorsque celles-ci constituaient la principale richesse de ces terres désertiques au bord d'une mer brûlante ;   
  • à l'arrière-plan, les formes futuristes des gratte-ciels de Manama, notamment le somptueux hôtel Ritz-Carlton.

-------------------------------
UNE DICTATURE FAMILIALE
-------------------------------

Le Bahreïn est dirigé de façon dictatoriale par la même famille régnante de confession musulmane sunnite - les Al Khalifa - depuis la fin du XVIIIe siècle. Elle fut contrainte par les Britanniques de signer un traité « de paix et de protection » en 1820, donc d'accepter leur tutelle coloniale. La famille régnante du Qatar est issue de la même famille. 

Le pays recouvra son indépendance du Royaume-Uni en 1971.... pour tomber sous la coupe des États-Unis. 

Pour résumer l'emprise de la famille royale sur le Bahreïn, il suffit de souligner :
  • qu'elle possède à titre privé entre la moitié et les trois-quarts du territoire du royaume du Bahreïn.
  • que plus de la moitié des membres du gouvernement, ainsi que des personnalités de haut rang, sont membres de la famille Al Khalifa :
  1. - Roi : Hamad bin Issa Al Khalifa
  2. - Premier ministre : Khalifa ben Salman al-Khalifa (oncle du roi Hamad)
  3. - Prince héritier et commandant suprême adjoint des forces armées : Salman bin Hamad bin Isa al-Khalifa
  4. - Ministre des Affaires étrangères : Khalid ibn Ahmad al-Khalifa
  5. - Ministre de la Défense : Khalifa bin Ahmed al-Khalifa
  6. - Ministre de l'Intérieur : Rashid bin Abdullah al-Khalifa
  7. - Ministre de l'Information : Fawaz bin Mohammed al-Khalifa
  8. - Ministre des Finances : Ahmed bin Mohammed al-Khalifa
  9. - Ministre de la Justice et des Affaires islamiques : Khalid bin Ali al-Khalifa
  10. - Ministre de la Culture : Mai bint Mohammed al-Khalifa
  11. - Ministre des Transports (également vice-Premier ministre) : Ali Ben Khalifa al-Khalifa
  12. - Ministre de la Cour Royale : Khalid bin Ahmed al-Khalifa
  13. - Ministre de la Cour royale pour les affaires courantes : Ahmed ben Ateyatalla al-Khalifa
  14. - Ministre des Affaires de la Cour royale : Ali bin Isa al-Khalifa
  15. - Vice-Premier Ministre en charge des comités ministériels : Muhammad ibn Moubarak ibn Hamad al-Khalifa
  16. - Vice-Premier Ministre : Khalid bin Abdullah al-Khalifa
  17. - Ministre d'État aux Affaires de la Défense : Mohammed ben Abdallah al-Khalifa
  18. - Chef d'état-major de la Force de défense de Bahreïn : Duaij bin Salman al-Khalifa
  19. - Conseiller du Premier Ministre pour les Affaires de Sécurité : Bin Abdulaziz al-Khalifa Ateyatallah
  20. - Juge en chef de Bahreïn (président de la Cour de cassation) : Khalifa bin Rashid al-Khalifa
  21. - Commandant de la Garde nationale : Mohammed bin Isa al-Khalifa (frère du roi Hamad)
  22. - Directeur de la National Security Agency : Khalifa bin Abdullah al-Khalifa
  23. - Ambassadeur à Londres : Khalifa bin Ali bin Rashid al-Khalifa
  24. - Commandant de la Garde Royale et Président du Conseil suprême de la Jeunesse et des Sports : Cheikh Nasser bin Hamad al-Khalifa (fils du roi Hamad)
  25. - Premier Vice-Président du Conseil suprême de la Jeunesse et des Sports : Khalid bin Hamad al-Khalifa (fils du roi Hamad)
  26. - Secrétaire général du Conseil suprême de la Jeunesse et des Sports : Salman bin Ebrahim al-Khalifa
  27. - Président du Comité olympique bahreïni : Cheikh Nasser bin Hamad al-Khalifa (fils du roi Hamad)
  28. - Secrétaire général du Comité olympique bahreïni : Ahmed bin Hamad al-Khalifa (fils du roi Hamad) 
  29. Directeur exécutif du Comité olympique bahreïni : Khalid bin Abdullah al-Khalifa

Ce rappel n'est pas superflu pour tous ceux - dont le gouvernement français - qui s'indignent du népotisme du régime syrien et qui reçoivent en grandes pompes le roi du Bahreïn...  



Les habitants du Bahreïn ne risquent pas d'oublier que le pays est dirigé par la famille Al-Khalifa. Ici, l'un des panneaux muraux qui ponctuent le paysage du petit royaume présente le roi Hamad bin Isa Al Khalifa ( au centre ), le Premier ministre Khalifa bin Salman Al Khalifa ( à gauche ) et le prince héritier Salman bin Hamad bin Isa Al Khalifa ( à droite ).

-----------------------------------------------------
UNE DICTATURE RELIGIEUSEMENT MINORITAIRE
-----------------------------------------------------

Pour comprendre la situation intérieure du royaume, il faut en outre savoir :

- que la population compte actuellement environ 1,24 million d'habitants, dont seulement 570.000 de nationalité bahreïnie et 666.000 immigrés (parmi lesquels un nombre important de travailleurs indiens - environ 290.000 -, srilankais ou philippins, ces derniers étant chrétiens catholiques),

- que l'islam est la religion officielle et que 99,8% des  570.000 nationaux Bahreïnis sont musulmans,

- mais que les Musulmans ne sont que 70% seulement de la population totale, si l'on y inclut les immigrés,

- et que l'on estime que 66 à 70% des Musulmans habitant au Bahreïn sont chiites comme en Iran, et non pas sunnites comme leur monarque.



La Mosquée Al Fateh ( مسجد الفاتح ) , littéralement « Mosquée du Conquérant »  a été construite par le père de l'actuel monarque. Il l'a nommée ainsi en hommage au fondateur de la dynastie des Al-Khalifa, Ahmed ibn Muhammed ibn Khalifa, qui était né au Koweït dans la première moitié du XVIIIe siècle et qui conquit l'île du Bahreïn en 1783.



Avec une superficie de plus de 6.500 m², cet édifice qui peut recevoir 7.000 fidèles en même temps est l'une des plus grandes mosquées du monde et aussi l'une des principales attractions monumentales du petit royaume. Sa coupole est la plus grande coupole au monde entièrement en fibres de verre.



-----------------------------------------------------------
LE QUARTIER GÉNÉRAL DE LA Ve FLOTTE AMÉRICAINE
-----------------------------------------------------------

Pour pimenter la situation, il se trouve que la position géographique du port de Manama, capitale du Bahreïn, est idéale d'un point de vue militaire :

  • 1) le port est extrêmement vaste (une dizaine de kilomètres en largeur) et peut accueillir des navires de très gros tonnage


Sur cette photo de la ville de Manama prise par satellite, on voit clairement - à l'est - l'immense plan d'eau d'une dizaine de kilomètres de large, abrité par quelques puissantes jetées, qui constitue le port de la Ve Flotte américaine. Au-dessus on peut distinguer la longue piste de l'aéroport international, situé à la pointe nord-est.


  • 2) le Bahreïn se situe à peu près au centre géostratégique du Golfe Persique : contigu à la péninsule arabique et à celle du Qatar, posé face à l'Iran qui n'est distant que de 200 km à vol d'oiseau, il est à peu près exactement à mi-chemin entre le "chott-el-arab" (estuaire du Tigre et de l'Euphrate où convergent les frontières de l'Iran, de l'Irak et du Koweït : à 450 km à vol d'oiseau) et du Détroit d'Ormuz, célèbre veine jugulaire par laquelle transitent tous les supertankers ( à 500 km à vol d'oiseau). 




La valeur géostratégique du Bahreïn n'a évidemment pas échappé à Washington qui en a fait un État satellite, à peu près au même titre que l'Arabie saoudite, mais en bien plus docile encore, compte tenu de la disproportion des forces : qu'est-ce qu'un roi à la tête d'un État grand comme la moitié du Val-d'Oise, situé à un endroit aussi stratégique, peut refuser à la première puissance militaire de la planète ?

C'est pourquoi les États-Unis ont décidé de s'y installer à demeure, et notamment d'y installer le Quartier général de leur "Cinquième flotte".  




4 février 2003 : un an et demi après les attentats du 11 septembre 2001, le roi Hamad bin Issa Al Khalifa du Bahreïn est en visite à Washington, où il est reçu au Pentagone : il répond ici à la presse, en compagnie du Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.




Un an et demi après la photo précédente, le roi du Bahreïn est de nouveau en visite officielle aux États-Unis. Il est ici  reçu par le président George W. Bush, hilare, dans le Bureau Ovale le 29 novembre 2004. Il est notable que le roi ne s'habille pas en tenue de cheikh mais en costume occidental lorsqu'il va visiter ses supérieurs hiérarchiques. Soumission symbolique de type vestimentaire à laquelle n'a pas eu droit le pauvre François Hollande.


Cette caricature représente le roi du Bahreïn portant le fardeau d'un porte-avions de la Ve Flotte américaine. La Cinquième flotte des États-Unis, qui avait été créée le 26 avril 1944 et supprimée en janvier 1947 fut recréée le 1er juillet 1995, suite à la Première guerre du Golfe. Elle fut chargée des forces navales au Moyen-Orient, charge qui incombait auparavant à la VIIe flotte qui était également chargée de l'océan Indien et du Pacifique Ouest. Son quartier général (NSA Bahrain) se trouve à Manama, capitale du Bahreïn.



Des navires de guerre américains dans le port de Manama, au Bahreïn, juste après l'Opération "Desert Storm" ("Tempête du Désert") menée contre l'Irak en 1991. On y voit notamment le navire amiral USS Blue Ridge à droite et la frégates USS Hawes à gauche (ainsi que la frégate britannique HMS Boxer au-dessus).



2 août 2004 : Le porte-avion américain USS John F. Kennedy s'apprête à jeter l'ancre dans le port de Manama. Le navire servait alors de base à l'escadre de chasseurs Carrier Air Wing Seventeen (CVW-17), chargée de mener des missions de support à l'opération "Iraqi Freedom" ("Liberté en Irak").



 24 octobre 2009 : le porte-avions américain USS Nimitz vient relâcher pour la troisième fois dans le port de Manama.

----------------------------------------------------------
UNE AGITATION POLITIQUE ET SOCIALE DEPUIS 2011
----------------------------------------------------------

Le pouvoir confisqué par une seule famille, la composition socialement, religieusement et ethniquement très hétérogène de la population, la présence militaire américaine et la proximité de l'Iran, tout cela crée un cocktail politiquement explosif. Logiquement, une agitation sporadique anime le Bahreïn depuis déjà de nombreuses années.   

Mais cette agitation s'est brusquement aggravée au printemps 2011. Suivant la vague du "printemps arabe", le pays est secoué depuis le 14 février 2011 par un mouvement de contestation du régime, animé par plusieurs catégories de la population :
  • - des musulmans chiites,
  • - des jeunes désœuvrés,
  • - des responsables politiques de sensibilité de gauche.
  Il y a de profonds désaccords entre ces opposants, mais tous réclament une monarchie constitutionnelle qui leur confèrerait la démocratie ou un accès au pouvoir. De plus en plus, certains se radicalisent en réclamant l'abolition pure et simple de la monarchie.

Plusieurs grandes manifestations se sont ainsi déroulées, notamment une manifestation monstre d'opposants à la monarchie régnante qui a réuni, le 22 février 2011, plusieurs centaines de milliers de personnes dans la capitale Manama. Ce qui constituait un événement sans précédent historique dans ce petit pays indépendant depuis 1971.



 La prière du midi sur Pearl square est l'occasion d'une manifestation antigouvernementale. On reconnaît au premier plan un membre du clergé chiite.



21 février 2011 : grande manifestation antigouvernementale à la tombée du jour au Rond-point Pearl (Pearl roundabout) dans Manama.


Sur Pearl Square, ce manifestant a scotché un billet de banque bahreïni sur sa bouche pour dénoncer le pouvoir de l'argent qui a muselé tous les médias dans le royaume.




Dans une forêt de drapeaux bahreïnis, la manifestation contre la monarchie régnante du 22 février 2011, qui faisait suite aux morts de la manifestation précédente, a rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes dans la capitale Manama. Pour un pays qui ne compte que 570.000 nationaux, cette mobilisation monstre témoigne de l'ampleur du désaveu populaire qui touche la famille régnante.





Tout le monde au Bahreïn n'est pas d'accord avec les manifestants. Le roi compte aussi des partisans, qui se sont rassemblées par milliers le 21 février 2011 devant la grande mosquée Al Fateh.



-----------------------------------------------------
UNE RÉPRESSION FÉROCE DES MANIFESTATIONS
-----------------------------------------------------

Le roi Hamad ben Issa Al Khalifa a répondu aux manifestants par la proclamation de la loi martiale et une répression féroce. On estime que plus de 80 manifestants sont morts à ce jour (soit au cours de heurts avec la police, soit sous la torture après leur arrestation), et que le nombre d'arrestations a atteint les 3.000. [pour de plus amples détails : http://fr.wikipedia.org/wiki/Soul%C3%A8vement_bahre%C3%AFni_de_2011-2012 ]

Pour un petit pays de 1,24 million d'habitants, ce sont des nombres très élevés. Si on les rapportait à la population syrienne (23 millions d'habitants), cela représenterait 1.533 morts et 57.500 incarcérés. Et si l'on part du principe que ce sont essentiellement les 570.000 nationaux Bahreïnis qui ont manifesté (les immigrés ayant un statut de subordination et d'extrême précarité, qui les dissuade généralement de se faire remarquer), les chiffres rapportés à la population syrienne monteraient alors à  3.228 morts et 121.000 incarcérés.

Autant dire que la répression et la violence des troubles au Bahreïn ont été spécialement fortes.




21 février 2011 : Abdulrheda Mohammed est l'un des participants à la manifestation de Pearl roundabout qui ont été tués par les forces gouvernementales. Il a succombé à de très violentes blessures portées à la tête et son corps a été transféré à la morgue du complexe médical Salmaniya. Sur ce cliché terrible publié par le Los Angeles Times, son frère Ahmed Buhmaid vient respectueusement poser une rose rouge sur le corps de son frère défunt.


21 février 2011 : Les proches d'Abdulrheda Mohammed en sanglots dans les couloirs de la morgue de Manama.



4 mars 2011 : Nouvelle et grande manifestation à Manama : les manifestants portent le cercueil symbolique, avec des photos dessus, des manifestants qui sont morts du fait des violences policières lors des manifestations précédentes.




------------------------------------------
LA RÉPRESSION CONTRE NABIL RAJAB
------------------------------------------

Bien qu'il ne soit pas le seul responsable politique d'opposition, l'une des figures centrales de la contestation est Nabil Rajab, un militant des droits de l'homme de confession chiite, qui préside le "Centre des droits de l'Homme".

[[pour de plus amples détails en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Nabeel_Rajab ]

Sa notoriété locale et régionale est devenue internationale lorsqu'il a été condamné, en juin dernier, à une peine de trois mois de prison pour avoir.... adressé un message Twitter constituant, d'après le tribunal, une « insulte aux sunnites ».   Il avait en outre été condamné le 28 juin à 300 dinars bahreïnis (800 dollars) d'amende pour « insultes aux forces de l'ordre.»

Mais le 16 août 2012, sa situation a singulièrement empiré puisqu'il vient d'être condamné à trois ans de prison pour « participation à trois manifestations non autorisées ».


Cette photo, disponible sur Wikipedia anglais, présente les brutalités policières que Nabil Rajab aurait subies, déjà lors d'une manifestation le 15 juillet 2005.    



Nabil Rajab et Abdulhadi Alkhawaja aidant une vieille femme après l'intervention musclée de la police contre une manifestation pacifique en août 2010.




Affiches très récentes des partisans de Nabil Rajab, faites après son incarcération de juin 2012.




-----------------------------------------------
LE DOUBLE JEU DES ÉTATS-UNIS ET DE L'UE
-----------------------------------------------

En pleine crise syrienne, et alors que les États-Unis et l'UE ne cessent de fustiger le régime de Damas comme violant outrageusement les droits de l'homme, la décision du tribunal du Bahreïn contre Nabil Rajab tombe évidemment très mal.

Car ce verdict attire soudain l'attention du monde entier sur le fait que les monarchies du Golfe - à commencer par le Royaume d'Arabie saoudite qui est une chasse gardée américaine - sont tout sauf des démocraties. Et que les droits de l'homme y sont depuis longtemps bien plus bafoués encore qu'ils ne le sont dans la Syrie laïque.

Dans ce dernier pays, au moins, la liberté religieuse, la sûreté et le "vouloir vivre ensemble" de chaque communauté religieuse sont très réels. Tandis que les monarchies du Golfe, à des degrés divers, interdisent ou restreignent drastiquement tout autre culte que l'islam sunnite sur leur propre sol. Ce qui, soit dit en passant,  viole expressément la Charte fondatrice des Nations Unies auxquels ces États ont théoriquement souscrit.   

Du reste, le double jeu des Américains n'a pas échappé aux manifestants du Bahreïn. Nabil Rajab a précisément attaqué les autorités de Washington sur ce terrain lors d'un entretien donné à Al Jazeera le 26 Juillet 2011.

Évoquant la répression féroce des manifestations survenues depuis février, l'opposant a déclaré notamment :
« Le silence des États-Unis a déçu beaucoup de personnes. Il est très clair maintenant que les États-Unis n'exigent la démocratie et le respect des droits de l'homme que dans les pays avec lesquels ils ont des problèmes ; mais qu'ils ne l'exigent pas du tout dans les dictatures avec lesquelles ils ont d'excellentes relations.»

Le 21 décembre dernier, Nabil Rajab a réitéré ses critiques dans un entretien avec le National Post :
« Le gouvernement des États-Unis est la sauvegarde des familles royales dans cette partie du monde. Ils soutiennent les dictateurs. Les États-Unis sont très durs sur la Syrie et sur la Libye, mais, quand ils regardent leurs alliés, ils sont très souples. »
[source : http://en.wikipedia.org/wiki/Nabeel_Rajab ]



Des manifestants brûlent le drapeau américain pendant l'une des émeutes qui ont émaillé la vie politique du Bahreïn depuis un an et demi.



---------------------------------------------------------------------
L'HYPOCRISIE DES ÉTATS-UNIS ET DE L'UE FACE AU CAS RAJAB
---------------------------------------------------------------------

Interrogée par la presse dans les instants ayant suivi l'annonce de la lourde condamnation à 3 ans de prison de Nabil Rajab pour participation à une manifestation interdite, la porte-parole de la diplomatie américaine Victoria Nuland a assuré que les États-Unis sont « profondément troublés » par ce verdict, et  qu'ils « appellent le gouvernement du Bahreïn à prendre des mesures pour redonner confiance aux citoyens à travers le pays et à démarrer un véritable dialogue avec les partis d'opposition et la société civile ».

On reste fasciné par l'hypocrisie de cette réaction, et par la différence de traitement avec les réactions américaines sur la Syrie au même moment. C'en serait comique si les sujets n'étaient pas aussi dramatiques.

-----

Naturellement, le perroquet bruxellois s'est aussitôt fait la voix de son maître.

La porte-parole du Département d'État américain s'étant déclarée « profondément troublée », sa préposée à la tête de la prétendue "diplomatie de l'Union européenne" - la baronne travailliste Lady Catherine Ashton of Upholland - s'est aussitôt déclarée « préoccupée ».  


Remarquons que l'on aurait pu avoir  l'inverse : si le Département d'État américain s'était déclaré « préoccupé », nul doute que la "diplomatie européenne" se serait aussitôt déclarée « profondément troublée ».



4 décembre 2009 : les deux responsables en chef de la diplomatie euro-atlantiste se rencontrent au quartier général de l'OTAN à BruxellesLa posture et le type de présence de chacune des deux femmes fait ressortir, de façon presque gênante, qui commande à qui : 
  • À droite, Mme Hillary Clinton, Secrétaire d'État américaine. Avec son manteau rouge vif de grand couturier, sa permanente et ses mèches soigneusement colorées, son sourire carnassier et son regard assuré et triomphant, Mme Clinton est clairement la patronne.  
  • À gauche la baronne Ashton of Upholland, "Haute Représentante de l'Union européenne pour pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎" . Avec son vêtement clownesque, sa coiffure "maison" comme si elle sortait de la douche, sa tête légèrement baissée et rentrée dans son quintuple menton, et son air de chien battu, la baronne Ashton est clairement la subordonnée.


Mme Ashton a en outre formé le vœu que le verdict sera « revu en appel et que cela s'applique aussi à tous les citoyens [sic ] du Bahreïn jugés pour des faits liés à l'exercice de leurs libertés fondamentales ».

Notons au passage que Lady Ashton of Upholland ne connait visiblement pas la différence qui existe entre un « citoyen » ( = le détenteur d'une parcelle de pouvoir dans un État fondé sur la souveraineté nationale ) et un « sujet »  ( = le fidèle serviteur obéissant à un monarque dans un État fondé sur la souveraineté de droit divin ). Notre très ignorante baronne britannique, qui est elle-même « sujette de Sa Gracieuse Majesté », ne semble donc pas avoir compris que le roi du Bahreïn ne reconnaît justement pas l'existence de « citoyens du Bahreïn », mais seulement de « sujets ». Et que c'est bien là tout le problème.



Un salaire de 35.000 euros par mois pour une baronne travailliste de pacotille, incompétente et ultra-atlantiste : il est difficile de trouver une figure plus caricaturale de l'eurocrate incompétent et profiteur que Lady Catherine Ashton of Upholland.

Née très banalement dans une famille roturière, les Ashton, vivant à Upholland (Lancashire) en 1956, la jeune Catherine fit des études de sociologie et commença modestement sa vie en travaillant pour une association en faveur du désarmement nucléaire.

Elle n'a dû son ascension qu'à son implication dans le Parti Travailliste et à la faveur d'Anthony Blair. Celui qui était Premier ministre avait sans doute remarqué que la brave Catherine faisait sans broncher ce qu'on lui demandait de faire. Il fit donc anoblir cette bonne pâte et la nommer "Pair à vie" à la Chambre des Lords en tant que « baronne Ashton of Upholland » en 1999, dans le seul objectif d’y renforcer la majorité à la chambre des Lords pour obtenir la ratification du traité d'Amsterdam... 
  
Le 3 octobre 2008, le gouvernement britannique la nomma en remplacement de Peter Mandelson au poste de Commissaire européen en charge du sujet-clé des négociations commerciales multilatérales. Ce qui fit scandale dans le Landerneau bruxellois, tant il apparut qu'elle ne connaissait strictement rien de rien à ce sujet extrêmement technique et profus.  

Maintenue par Londres au poste de Commissaire européen dans la Commission Barroso II (en 2009), elle fut choisie par celui-ci comme 1ère représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, poste nouveau créé par le traité de Lisbonne. Sans doute le président de la Commission, José Manuel Barroso, homme complètement inféodé aux intérêts américains, a-t-il senti comme Anthony Blair que Lady Ashton était malléable à souhait et qu'elle ne ferait pas de difficultés pour s'aligner consciencieusement sur les directives de Washington.  

Quoi qu'il en soit, cette nomination à ce poste prestigieux fit encore plus scandale que la précédente. Et les remous provoqués se firent entendre au sein même du parlement européen. Le 25 novembre 2009 à Strasbourg, le député Nigel Farage dénonça le fait que la baronne n'avait jamais été élue démocratiquement.  

Totalement ignare en matière diplomatique, géopolitique et militaire, ne parlant pas d'autre langue que l'anglais, la baronne travailliste a passé une "audition" mouvementée le 11 janvier 2010 devant le Parlement européen. Elle y révéla notamment une incompétence rare sur la question de la politique européenne de Défense. 

Selon le Sunday Times du 14 mars 2012, Lady Catherine Ashton of Upholland perçoit un salaire de 328 000 £ par an, soit environ 418.000 euros par an (environ 35.000 euros par mois), ce qui fait d'elle la politicienne la mieux payée au monde.  

Comme elle est en outre mariée à Peter Kellner, président de l'institut de sondage britannique dénommé YouGov, et que le couple vit donc dans le luxe, on se demande ce qu'elle fait de son argent. Car son inélégance vestimentaire et son allure constamment négligée constituent la "cerise sur le gâteau" de cette baronne pour rire, incompétente et grassement payée.



---------------------------------
LE CYNISME DU ROYAUME-UNI
---------------------------------

Quant au Royaume-Uni - ancienne puissance coloniale au Bahreïn - il a bien entendu surenchéri dans le même registre hypocrite.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a souligné que « la liberté d'expression et le droit de manifester pacifiquement sont une partie fondamentale de toute démocratie moderne ».

C'est une déclaration spécialement cynique au moment où ce même ministère envisage de violer la vénérable Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, en menaçant de livrer l'assaut contre l'ambassade d'Équateur à Londres, où s'est réfugié le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, qui a demandé et obtenu l'asile politique.

Soulignons au passage que l'un des motifs pour lesquels le gouvernement de Quito a accordé l'asile politique, c'est qu'il estime qu'il y a un risque sérieux que si l'Australien Julian Assange sort de son ambassade, les Britanniques ne l'expédient aussitôt aux États-Unis, où il risque rien moins que la peine de mort pour divulgation de secrets d'État.
[ source : http://www.romandie.com/news/n/WikiLeaks_asile_politique_accorde_a_Assange___menace_d_un_assaut12160820121802.asp ]

Pour en revenir au Bahreïn, le gouvernement britannique a assorti sa déclaration de principe démocratique d'un bémol qui en ruine aussitôt la portée pour ce qui concerne la monarchie des Al-Khalifa. Avec sa perfidie légendaire, le Foreign Office a en effet « demandé aux militants de l'opposition de s'assurer que leurs paroles et leurs actes ne constituent pas une incitation à la violence ».  

On goûtera en connaisseur la différence entre cette déclaration cauteleuse, qui jette suavement le doute et l'opprobre sur les manifestants, et les déclarations incendiaires et guerrières que le même Foreign Office utilise depuis un an et demi contre le régime syrien....



13 décembre 2011 : Le Premier ministre britannique, David Cameron, reçoit le roi du Bahreïn au 10 Downing Street




--------------------------------------------------------------
LES PROMESSES MENSONGÈRES DE FRANÇOIS HOLLANDE
--------------------------------------------------------------

Outre que toutes ces déclarations lénifiantes des États-Unis, de l'UE, et du Royaume-Uni, ne changeront rien pour Nabil Rajab ni pour les milliers d'opposants incarcérés au Bahreïn, il est remarquable de constater qu'elles sont comme un copié-collé saisissant des déclarations que la Russie et la Chine ne cessent de faire au sujet de la situation en Syrie.... à la plus grande indignation des États-Unis, de l'UE et du Royaume-Uni !

Dans ce que mes lecteurs me pardonneront d'appeler un "bal de faux-culs", le nouveau locataire de l'Élysée n'est hélas pas en reste.

M. Hollande, qui se range, comme son prédécesseur, aux avis de Bernard-Henri Lévy pour décider de la stratégie de la France envers la Syrie, et qui n'a donc pas de déclarations assez indignées et violentes contre le régime de Bachar El-Assad, a au contraire les yeux de Chimène pour la monarchie du Bahreïn.

Le 7 août 2012 - donc il y a 13 jours - le président de la République a ainsi reçu en grande pompes Sa Majesté Hamad ben Issa Al Khalifa, roi autocrate ayant 4 femmes et 12 enfants, et despote du Bahreïn qui proclame la loi martiale et fait tirer sur la foule à la première manifestation venue.

Cette invitation est d'autant plus indécente que M. Hollande, il y a 3 mois à peine, faisait précisément campagne pour l'élection présidentielle en annonçant qu'avec lui, les dictateurs allaient trembler.....



Trois mois et 9 jours seulement séparent ces deux photos :
  • À gauche : 29 avril 2012 : lors d'un grand meeting au Palais Omnisports de Bercy pendant la campagne présidentielle, François Hollande lance devant une foule enthousiaste : « Je veux que le 6 mai [ date du second tour de la présidentielle ] soit une bonne nouvelle pour les démocrates et une terrible nouvelle pour les dictateurs. Voilà ce que nous avons à apporter, y compris dans cette élection présidentielle ! »
  • À droite : 7 août 2012 : François Hollande, élu président de la République, reçoit chaleureusement le roi du Bahreïn à l'Élysée, qui se livre dans son pays à une répression féroce.  

Pour bien réaliser l'ampleur de la manipulation dont furent victimes les électeurs de M. Hollande, il est de salubrité intellectuelle de revisionner ce passage de haute propagande. Un groupe d'internautes l'ont fait et j'y renvoie volontiers car c'est bref et cela vaut vraiment le coup d'œil : http://www.dailymotion.com/video/xssgdz_hollande-l-ami-du-dictateur-hamed-ben-issa-al-khalifa-souverain-du-bahrein_news .

Sur ce sujet comme sur à peu près tous les autres, les électeurs de François Hollande n'ont donc plus qu'à aller se faire cuire un œuf. Comme nous n'avions cessé de mettre en garde, il apparaît désormais clairement que le slogan de campagne du candidat "socialiste" - « LE CHANGEMENT C'EST MAINTENANT » - n'était bien qu'une sinistre farce.

----

Que l'invitation du dictateur bahreïni à l'Élysée le 7 août 2012 ait été suivie de l'annonce, le 16 août, de la condamnation féroce du principal représentant de l'opposition au Bahreïn à 3 ans de prison, voilà qui ne fait évidemment pas très bon genre.

La France étant ainsi ridiculisée, notre diplomatie a entonné à son tour les mêmes gesticulations hypocrites que celles de Washington, Bruxelles et Londres.

Réagissant à la condamnation de Nabil Rajab, le ministère français des Affaires étrangères a donc piteusement « rappelé son attachement au principe de liberté d'expression », et a affirmé que la France « encourageait le dialogue permettant d'apaiser durablement les tensions au Bahreïn ».

Bref, notre diplomatie ne sort pas grandie de tout cela, et affiche à l'égard du potentat du Bahreïn une mansuétude qui est refusée avec indignation au président syrien.




--------------------------------------------------
QUI TIRE LES FICELLES : L'IRAN... OU OTPOR ?
--------------------------------------------------

Que l'on me comprenne bien.

Je ne reproche pas, dans l'absolu, à la diplomatie française de conserver de la distance par rapport aux événements du Bahreïn et de se fixer comme ligne de conduite de tenter seulement d'y apaiser les tensions. J'estime que c'est au contraire ce qu'elle devrait y faire, au Bahreïn comme en Syrie et ailleurs.

Malgré toute la sympathie spontanée que l'on peut éprouver pour Nabil Rajab et les opposants à la monarchie dictatoriale du Bahreïn, il est prudent de ne pas s'avancer sans connaître parfaitement les tenants et les aboutissants de toutes ces manifestations, spontanées ou non. Car dans ce genre de situation, des surprises ne sont jamais exclues.

Tout d'abord parce qu'il existe plusieurs lectures de la crise :
  • selon certains, cette crise découlerait de l'opposition confessionnelle chiite / sunnite ;  compte tenu du contexte géopolitique, cela signifierait que l'Iran pourrait être à la manœuvre.
En l'espèce, quel est exactement le jeu joué par les autorités de Téhéran ? On imagine sans difficultés que la théocratie iranienne peut avoir avoir partie liée avec certains milieux chiites du Bahreïn, dans ce petit État que l'Iran affirma d'ailleurs être sa possession et qu'il revendiqua officiellement, de 1957 à 1970, comme étant sa 14ème province.
[ http://en.wikipedia.org/wiki/Bahrain ]

La possibilité de déstabiliser un État qui sert de quartier général à la Ve Flotte américaine n'est certainement pas fait pour déplaire aux stratèges de Téhéran.


  • selon d'autres, cette crise ne serait pas une opposition chiite / sunnite mais une opposition plus classique : "droite / gauche" non confessionnelle.
Mais on doit se demander alors comment il se fait que cette opposition droite / gauche sorte soudain d'un chapeau et comment elle s'articule avec l'opposition chiite / sunnite.

C'est ici qu'apparaît un élément plus inattendu. Selon des sources concordantes, un certain nombre de jeunes manifestants seraient membres du "Mouvement des jeunes pour la Liberté du Bahreïn" ( حركة شباب من اجل الحرية في البحرين  ) et auraient reçu une formation du groupe Otpor, comme certains "révolutionnaires" tunisiens ou égyptiens.
[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Soul%C3%A8vement_bahre%C3%AFni_de_2011-2012 ]

Cela conduit à rappeler que le groupe Otpor, mot serbe qui s'écrit "Отпор" en cyrillique et qui signifie « Résistance », est une organisation :
  • qui joua un rôle majeur dans la chute du régime de Slobodan Milošević en ex-Yougoslavie
  • et qui est ensuite devenue un centre de formation pour de jeunes révolutionnaires de différents pays, notamment en Géorgie, puis en Ukraine, mais aussi en Biélorussie et dernièrement, en 2011, en Égypte.
[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Otpor ]

Or, le financement d'Otpor provient notamment :

- de la  "Freedom House", qui est financée directement par... le gouvernement des États-Unis et qui reçoit aussi des dons d'organisations caritatives ou de l'Union européenne.
[ source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Freedom_House ]

- et de l'"Open Society Institute", la célèbre fondation créée par le célèbre milliardaire américain George Soros, très lié à David Rockefeller, et dont les liens avec toute l'oligarchie euro-atlantiste et les services secrets américains sont un secret de Polichinelle.

Logo de Otpor

 

Le logo de Otpor apparaît, de façon cryptée, sur les affiches du "Mouvement des jeunes pour la Liberté du Bahreïn"appelant à une manifestation. On notera que ces affiches sont en anglais. On notera aussi, sur l'affiche de gauche, dans le macaron en bas à droite (peu visible), la mention : "NO SHII NO SUNNI  JUST BAHREÏNI" = "NI CHIITE NI SUNNITE, SEULEMENT BAHREÏNI". Cette indication révèle que le mouvement Otpor, soutenu par la CIA, veut détourner l'attention des manifestants du sujet le plus gênant pour la présence américaine au Bahreïn : l'animosité entre sunnites (minoritaires) et chiites (majoritaires et sensibles aux analyses de Téhéran).



------------------------------------------------------------------------------------------------
LA TACTIQUE MACHIAVÉLIQUE DES ÉTATS-UNIS :  
LE SOUTIEN DISCRET AUX OPPOSITIONS INOFFENSIVES POUR LEUR DOMINATION
-------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour un esprit logique et droit, il paraît incompréhensible qu'une partie de l'opposition au roi Hamad Al-Khalifa du Bahreïn soit soutenue, financée et entraînée en sous-main par OTPOR, donc au bout du compte par la CIA. Comment les États-Unis peuvent-ils avoir un allié décisif pour leur stratégie dans le Golfe persique et contribuer à soutenir en catimini des actions destinées à le renverser ?

La réponse à cet apparent mystère n'est pas si difficile à comprendre. Sans doute les échecs cuisants de la diplomatie américaine au cours des années 1970 ont-ils donné à réfléchir aux think-tanks de Washington. En effet, les chutes des régimes qu'ils soutenaient à travers le monde, notamment ceux du général Lon Nol au Cambodge ( 17 avril 1975 ), de Nguyễn Văn Thiệu au Sud Vietnam ( 30 avril 1975 ) ou du shah Mohammed Reza Pahlavi en Iran ( 16 janvier puis 1er avril 1979), se sont traduites par l'éviction durable de toute influence américaine dans les pays en question, au moins pour plusieurs décennies, sinon par l'apparition d'un adversaire farouche ( le cas de l'Iran étant le plus flagrant ). 

Tous ces événements ont donc fait prendre conscience des risques d'un soutien massif et unilatéral à des pouvoirs discrédités dans la profondeur des populations, sans envisager de solution de rechange.   En tirant les leçons de ces échecs, l'idée s'est donc fait jour de neutraliser toute possibilité de révolutions réellement dangereuses pour les États-Unis, en soutenant et finançant les oppositions aux régimes en place, fussent-ils dans des régimes amis de Washington, quitte même à y promouvoir des "révolutions". Et cela afin d'avoir deux fers au feu et de préserver la position américaine, quels que soient les événements.

L'idée de financer des oppositions aux régimes en place n'était certes pas nouvelle puisque la CIA notamment l'a fait depuis sa création, à la fin de la Seconde guerre mondiale, dans les pays dont elle voulait abattre le régime ( Cuba ou les pays de l'est par exemple) ou dans les pays alliés dont le dirigeant déplaisait "souverainement" à la Maison-Blanche (Charles de Gaulle en France par exemple).  

Ce qui est plus nouveau, c'est l'idée de prendre les devants et de déstabiliser sciemment un régime et un dirigeant allié mais considéré comme fragile, afin de neutraliser par avance les dégâts d'une révolution non contrôlée.

L'idée, très intelligente il faut le reconnaître, s'est donc fait jour de promouvoir de façon systématique des "révolutions clés en mains" par des associations œuvrant en faveur de la démocratie", soit dans des pays adversaires, soit même dans des pays amis.

C'est ainsi que furent notamment créés :
  • en 1983, le National Endowment for Democracy (NED) (en français, Fondation nationale pour la démocratie), "fondation privée à but non lucratif" des États-Unis dont l'objectif déclaré est «  le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde » , mais dont la plus grande part de ses fonds provient du département d'État américain, avec approbation du Congrès. [ http://fr.wikipedia.org/wiki/National_Endowment_for_Democracy ]
  • en 1993, l'Open Society Institute (OSI), "fondation" créée par le milliardaire George Soros dont l'objectif déclaré est de « promouvoir la gouvernance démocratique, les droits de l'homme et des réformes économiques, sociales et légales et de mettre en œuvre une gamme d'initiatives visant à appuyer la primauté du droit, l'éducation, la santé publique et l'indépendance des médias [ sic ]  ».
Ces deux fondations, entre autres, ont été à la manœuvre dans la floraison de «  révolutions de couleur », toutes conçues selon le même  type de scénario,   qui ont commencé par balayer l'ex camp socialiste, avant de s'attaquer aux régimes en place dans le monde arabe :
  • Révolution du 5 octobre en 2000 en ex-Yougoslavie conduisant à la chute de Slobodan Milošević (avec la création du mouvement Otpor).
  • Révolution des roses en Géorgie en 2003, conduisirent à la chute d'Edouard Chevardnadzé (avec le soutien du "mouvement de résistance civique" Kmara).
  • Révolution orange en Ukraine en 2004, (avec le soutien du "mouvement de résistance civique" Pora).
  • Révolution des tulipes au Kirghizistan en  2005 (avec le soutien du "mouvement de résistance des jeunes" Kelkel).
  • Tentative de déstabilisation en Russie, lors des élections législatives de 2011 (avec le soutien de l'organisation Golos, fondée en 2000 et recevant des fonds de George Soros via l'OSI, et de la NED). Cette tentative explique la décision prise il y a quelques semaines par le président russe Vladimir Poutine de promulguer une loi qui qualifie désormais d'"agents de l'étranger"  les ONG percevant des fonds extérieurs et qui les soumet en conséquence à des contrôles officiels.  Loi que la presse occidentale a aussitôt qualifiée de "grave atteinte aux droits de l'homme". [http://www.france24.com/fr/20120721-russie-vladimir-poutine-loi-ong-agents-etrangers-kremlin-droits-homme ]
  • Révolution du jasmin en Tunisie (2010 - 2011) contre le régime pro-américain de Ben Ali.
  • Révolution du papyrus en Égypte (2011) contre le régime pro-américain de Moubarak.



-----------------------------------------------------
EN ROUTE VERS LA « RÉVOLUTION DES PERLES » ?
-----------------------------------------------------
Le soutien du mouvement OTPOR au "Mouvement des jeunes pour la Liberté du Bahreïn" prouve que les États-Unis ont décidé de se prémunir de tout désagrément en cas de chute du roi Hamad :
  • - en tentant de focaliser les manifestations sur la question constitutionnelle et le clivage droite-gauche, et en ayant surtout pour objectif de désamorcer le clivage sunnite / chiite que favorise l'Iran en sous-main (cf. photo supra)
  • - et en proposant une solution "clé en mains".  Washington a apparemment fait son choix, qui consiste à pousser les manifestants à se focaliser contre la personne de l'actuel roi et à promouvoir, à sa place et en douceur, son fils le prince héritier. Lequel a déjà droit à toute la bienveillante attention de l'administration Obama et de la presse américaine qui s'est empressée de le qualifier de « libéral ».
Nul doute que, si des troubles devaient de nouveau éclater, les manifestants supervisés par la CIA-OTPOR orienteraient les revendications des manifestants en faveur d'une démission du roi actuel et de l'édiction d'une Constituante avec l'élévation au trône du prince héritier.  

Il ne resterait alors à trouver que le nom de la révolution. Je suggère, par exemple, la «Révolution des perles », en référence aux huitres perlières qui constituaient jadis la seule richesse de cette côte désertique et brûlante qualifiée de « côte des pirates »...

À l'exemple de ce qui est en train de se passer sous nos yeux dans les prétendues "révolutions" du "printemps arabe", le peuple de Bahreïn se rendra compte, mais ensuite, qu'il ne s'est agi que d'une révolution factice. Et que certaines puissances derrière le rideau ont fait semblant de « tout changer pour que rien ne change », pour paraphraser le Prince Salina dans le roman Le Guépardde Lampedusa.

En attendant, François Hollande a décidément bonne mine en recevant le roi du Bahreïn : non seulement il salit l'image de la France, mais il invite à l'Élysée un roi qui n'est plus guère persona grata à la Maison-Blanche, où l'on s'active au contraire à promouvoir le fils... 



7 juin 2011 : Alors que cet entretien n'était pas prévu officiellement et qu'il n'est pas parfaitement conforme aux usages protocolaires, le président Obama reçoit à la Maison-Blanche le prince héritier du Bahreïn. Le Wall Street Journal a présenté cette rencontre comme inopinée, le président américain s'étant invité sans prévenir dans une réunion entre le prince héritier et le conseiller de la Maison-Blanche à la Sécurité Nationale Tom Donilon. La presse américaine en a profité pour souligner que le prince hériter, qui est à la tête des forces armées du Bahreïn, était réputé pour être un "réformateur libéral" au sein de la famille royale.



9 mai 2012 : la Secrétaire d'État Hillary Clinton reçoit d'un air décidé au département d'État le prince Salman bin Hamad bin Isa Al-Khalifa. À l'évidence, Washington a fait son choix.



-----------------------------------
LE PRINCIPE DE NON-INGÉRENCE
-----------------------------------

Il y a une autre raison, beaucoup plus fondamentale que la prudence à avoir dans le cas d'espèce, pour ne pas prendre position sur la situation intérieure au Bahreïn. C'est tout simplement le respect du droit, et notamment du droit international. Respect auquel tous mes lecteurs savent que j'attache le plus grand prix en toutes circonstances, car l'histoire nous enseigne que le viol du droit va de pair avec la régression de la démocratie et de la civilisation.

Il faut en effet être logique et conséquent : on ne peut pas vouloir faire respecter le droit international, - et tout spécialement le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État souverain qui en constitue la clé de voûte -, et prétendre par ailleurs intervenir dans ces mêmes affaires intérieures dès lors qu'un mouvement politique interne y suscite notre sympathie.



Extraits de l'Article 2 de la Charte des Nations-Unies :

Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. 

Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.


Ceux qui ont gravé dans le marbre de la Charte des Nations Unies ce principe fondamental de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État souverain ne l'ont pas fait à la légère ni pour protéger telle ou telle dictature.

Ils l'ont fait pour une raison d'une très grande force théorique et pratique : si l'on commence à admettre le bien-fondé qu'un État, ou qu'un groupe d'États, prenne parti pour telle ou telle faction dans un autre État souverain sans mandat des Nations Unies, il n'y a alors plus aucune raison, ni plus de motif de droit, pour que tous les États du monde n'en fassent pas de même et se mêlent de ce qui se passe chez les autres.

C'est alors la porte ouverte :
  • - d'une part à une confrontation générale, donc à un risque majeur que la situation ne dégénère rapidement en conflit régional ou mondial ;
  • - d'autre part à accorder, in fine, tout pouvoir à l'État, ou au groupe d'États, dont les moyens militaires et l'appareil de propagande médiatique surpassent tous les autres. C'est-à-dire, pour parler clair, aux États-Unis d'Amérique et à leurs vassaux européens.

Piétiner le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures revient ainsi à asseoir, au bout du compte, l'hégémonie mondiale de l'empire euro-atlantiste.

Ces deux risques majeurs se sont récemment concrétisés dans plusieurs États du Moyen Orient et d'Afrique (Afghanistan, Irak, Soudan, Libye) et sont actuellement visibles à l'œil nu en Syrie.



---------------------------------------------------------------
CONCLUSION : LES TROIS FAUTES DE FRANÇOIS HOLLANDE
---------------------------------------------------------------

En recevant chaleureusement le roi du Bahreïn à Paris, et en passant par pertes et profits le sorts des opposants au régime de Manama, le président de la République a commis trois fautes d'un coup.

 1) Une faute contre le droit : une ingérence dans les affaires intérieures

Dans les circonstances extrêmement troublées qui prévalent actuellement sur la scène politique du Bahreïn, le fait de recevoir le roi du Bahreïn et ne pas recevoir des représentants des différents mouvements d'opposition prend une coloration qui va très au-delà du simple échange de vues diplomatique. C'est un geste qui ne peut être interprété que comme un soutien de la France à la dictature du roi Hamad Al Khalifa. Et qui est d'ailleurs interprété comme tel.  

Outre que cette prise de parti est indécente compte tenu du contexte, elle constitue une violation du droit international puisqu'elle revient à s'immiscer ouvertement dans les affaires intérieures du royaume.    

Si M. Hollande voulait corriger cette impression détestable, il devrait demander à l'ambassadeur de France au Bahreïn, M. Christian Testot, de demander à rendre visite à Nabil Rajab dans sa prison, afin de lui remettre symboliquement une invitation à venir à Paris.       


2) Une faute contre l'équité : un indécent "deux poids - deux mesures"   

Soyons clairs.   

Tout comme les anciens régimes libyens ou égyptiens, l'actuel régime syrien n'est certes pas une démocratie version euro-atlantiste et ne respecte certes pas les droits de l'homme à l'occidentale.   

Mais le régime du Bahreïn, tout comme ceux de l'Arabie saoudite ou des monarchies pétrolières du Golfe, sont encore moins des démocraties et bafouent encore davantage les droits de l'homme.    

Il suffit de songer au statut des femmes, des travailleurs immigrés non occidentaux ou des minorités religieuses dans chacun de ces pays pour en être convaincu.   

Dans ces conditions, le fait que François Hollande ait adopté une politique appelant explicitement d'un côté à faire chuter le régime de Damas et soutenant explicitement d'un autre côté le régime du Bahreïn constitue une  faute contre l'équité. Il s'agit d'un cas flagrant de "deux poids - deux mesures", que les Anglo-Saxons - qui sont des spécialistes en la matière - appellent "double standard".   

Or à peu près rien ne révolte plus les peuples que ce genre de différence de traitement : cela laisse pour des années une image honnie à celui qui s'y livre. 


3) Une faute contre la France : l'alignement complet sur les intérêts géopolitiques américains se fait  au détriment de nos intérêts nationaux

Enfin, il convient de rappeler que, s'il existe bien un pays francophile et encore francophone au Moyen Orient, c'est, après le Liban, la Syrie.

Dans ces conditions, prendre le parti de soutenir la dictature théocratique anglo-saxonne du Bahreïn - chasse gardée des Anglo-américains - et exiger parallèlement la chute du régime laïc de Damas - où la France avait une influence très importante, c'est nuire très gravement à nos intérêts nationaux essentiels dans cette région du monde.   

Pour se plier aux instructions de Washington relayées par Bruxelles, François Hollande, tout comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy, fait passer un terrible message auprès de tous les peuples de la région : le soutien de la France ne vaut plus rien, puisque la France est infidèle à son histoire et à ses amitiés et qu'elle préfère soutenir les dictatures de l'empire américain.  

Comment s'étonner, après une politique aussi contraire à nos intérêts nationaux, que l'audience de notre pays ne cesse de d'affaiblir partout dans le monde, de même que notre présence commerciale qui y était étroitement corrélée ? 

Le cas du Bahreïn est donc exemplaire.  Exemplaire de l'asservissement de la France aux intérêts euro-atlantistes anglo-saxons. Et exemplaire de la marginalisation rapide de l'influence de la France sur  la scène internationale, par construction européenne interposée.



François ASSELINEAU
20 août 2012

=========================

L'UPR VEUT SORTIR DE L'UE ET DE L'OTAN  POUR RENDRE AUX FRANÇAIS LEUR DÉMOCRATIE MAIS AUSSI POUR AGIR CONCRÈTEMENT EN FAVEUR DE LA PAIX DANS LE MONDE.   

==>                         C'EST LE MOMENT D'ADHÉRER.  

                      Et vous pouvez le faire en ligne tout de suite :   
               
             http://www.u-p-r.fr/aider/adherer/adhesion-en-ligne