"La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire." Jean-François Revel - Extrait d'un Entretien avec Pierre Assouline - Novembre 1988

samedi 27 avril 2013

LA COUR DES COMPTES SONNE DISCRÈTEMENT L'ALARME CONTRE LA PRIVATISATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE


« On devrait fonder une chaire pour l’enseignement de la lecture entre les lignes. »
                                                                                                                          Léon Bloy

  
La Cour des comptes a récemment rendu public un rapport thématique intitulé « Les faiblesses de l’État actionnaire d'entreprises industrielles de défense »
  
C'est un rapport important, à décrypter d'urgence.

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Les devoirs de l’État en matière d'industrie de défense
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Dans son introduction, ce rapport précise les devoirs de l’État en matière d'industrie de défense : 
  
« La puissance publique doit concilier trois préoccupations : 
  • assurer l'indépendance de la France en matière d'équipements sensibles, notamment concernant la dissuasion nucléaire ; 
  • gérer au mieux le patrimoine de l’État actionnaire ; 
  • préserver l'activité et l'emploi dans les régions concernées. »

Après avoir brossé les éléments du contexte actuel (baisse des budgets militaires et donc des commandes de l’État, montée en puissance des « BRICS » (Brésil-Russie-Inde-Chine), nécessité d'exportation dans un marché à concurrence accrue) la Cour des comptes revient sur l'histoire de l'industrie de défense française. Elle y met en exergue le rôle prépondérant de l’État ; quoi de plus normal pour un domaine par essence régalien et hautement stratégique ? 
  
Elle justifie a posteriori le regroupement de ces activités en grands conglomérats multinationaux à caractère dual, c'est-à-dire civil et militaire, ainsi que la privatisation partielle et sous conditions de certains domaines entrant dans l'industrie de défense. Elle rappelle l'organisation et la répartition des rôles entre l'agence des participations de l’État (APE) et de la direction générale de l'armement (DGA).

La Cour des comptes souligne ensuite les enjeux en matière d'industrie de défense ainsi que les responsabilités de l’État : 
  • les activités relevant d'une souveraineté exclusive (dissuasion nucléaire, cryptologie gouvernementale et systèmes informatiques stratégiques liés à la connaissance/anticipation) ; 
  • celles relevant d'une souveraineté partagée (systèmes d'armes conventionnels évolués) ; 
  • celles pouvant faire l'objet « d'achats sur étagère » (activités duales). 
Elle n'oublie pas de préciser que l'État a la charge du maintien sur le sol national des emplois et des compétences nécessaires pour assurer, d’une façon générale, la pérennité de l’activité industrielle d’armement française.


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Laisser-aller des Français..., protectionnisme féroce des Américains
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Enfin, et c'est le plus important, la Cour des comptes évalue les dispositifs de protection permettant à l’État de conserver la main sur ce domaine stratégique. 

La conclusion de cette évaluation est sans ambiguïté : si des dispositifs existent bien (article L. 151-3 du code monétaire et financier par exemple), ils sont en fait assez inopérants, contrairement au dispositif américain dit « Exon-Florio » qui témoigne d'un protectionnisme exacerbé et qui bafoue sans vergogne les principes de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

En clair, seul un niveau de participation actionnarial significatif de l’État dans les entreprises ayant une activité de défense permettrait de conserver un niveau adéquat de souveraineté : « C’est ce qui explique qu’une participation stable au contrôle du capital, à un niveau permettant d’exercer une vigilance sur la gouvernance et les principales orientations stratégiques, constitue pour l’État, en ce qui concerne les plus grands groupes industriels français de défense, un dispositif sans équivalent de protection de son industrie d’armement. »

Suivent des descriptions détaillées et historiques de chaque secteur, de chaque entreprise. 


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La privatisation totale des industries d'armement
est incompatible avec la défense de notre souveraineté nationale
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Puis la Cour des comptes livre ses conclusions. 

Après avoir très diplomatiquement reconnu que l’État avait « accompagné la modernisation »..., « favorisé l'adaptation »..., « maintenu un haut niveau technologique »..., « dans un contexte mouvant »..., la haute juridiction dégage les grandes tendances de la politique menée. Elles sont accablantes : 
  • « l’État s’est mis en risque de perdre le contrôle de certaines activités industrielles nationales d’armement » ;
  • « il s’est laissé diluer sans toujours obtenir en échange des contreparties équivalentes » ;
  • « il n’est pas toujours parvenu à arbitrer entre des intérêts parfois contradictoires » ;
  • « il est parfois incapable de faire appliquer ses décisions par les responsables des entreprises qu’il contrôle ».
Et, de fait, ce qui ressort entre les lignes de ce rapport très complet, c'est un sentiment de laisser-aller et d'abandon progressif. 

Comme si, depuis deux décennies, la défense nationale n’apparaissait plus comme un domaine stratégique aux yeux de nos responsables politiques. 

Et comme si la logique des intérêts privés devait être systématiquement préféré à toute volonté de maîtriser ce domaine régalien. On commence par une petite privatisation partielle, puis on baisse la garde et tout s'effiloche.
   
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CONCLUSION : UN RAPPORT ALARMANT À PORTER À LA CONNAISSANCE DES FRANÇAIS
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Ce rapport vient à point.

Au moment même où l'on attend le prochain « Livre blanc sur la défense » et où l'on appréhende que celle-ci subisse des coupes claires qui mettraient en péril l'industrie d'armement, au moment où l'on parle d'une privatisation partielle du groupe NEXTER (anciennement GIAT), il était bon de rappeler les responsabilités de l’État en matière de défense nationale et donc de souveraineté nationale. 

Il était bon d'analyser, avec le recul de ces dernières décennies, les pièges de la privatisation qui mènent à l'abandon. La Cour des comptes l'a fait et a rendu public son rapport. 
  
C'est désormais aux Français de réfléchir, du moins si les responsables politiques leur expliquent ce qui se cache entre les lignes de la plus haute juridiction française en matière de comptes publics.


Régis CHAMAGNE
Responsable national de l'UPR en charge des questions de défense
Colonel E.R.

Restaurer l'indépendance et la liberté de la France est de la plus haute urgence.
C
ela commence par adhérer à l'UPR.

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