"La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire." Jean-François Revel - Extrait d'un Entretien avec Pierre Assouline - Novembre 1988

jeudi 1 août 2013

LA RESTRUCTURATION D'EADS - UN ABANDON SUPPLÉMENTAIRE DE SOUVERAINETÉ

tout ceci devient tout à fait insupportable, je pense que l'exile démocratique est une solution séduisante...

Bernhard Gerwert, un ancien de Messerschmitt, devient le patron de " Airbus Defence and Space "
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Il y a quelques mois, la Cour des Comptes publiait un rapport thématique intitulé « Les faiblesses de l’État actionnaire d'entreprises industrielles de défense ».
[ cf.http://www.upr.fr/actualite/france/cour-des-comptes-sonne-lalarme-privatisation-des-industries-de-defense ]

Ce rapport rappelait les devoirs de l’État en matière d'industrie de défense, et en particulier, s'agissant des activités relevant d'une souveraineté exclusive : la dissuasion nucléaire, la cryptologie gouvernementale et les systèmes informatiques stratégiques liés à la connaissance/anticipation.
Je rappelle également que ce rapport tirait des conclusions générales très préoccupantes, pour ne pas dire alarmantes : 
  • l’État s’est mis en risque de perdre le contrôle de certaines activités industrielles nationales d’armement ;
  • il s’est laissé diluer sans toujours obtenir en échange des contreparties équivalentes ; 
  • il n’est pas toujours parvenu à arbitrer entre des intérêts parfois contradictoires ; 
  • il est parfois incapable de faire appliquer ses décisions par les responsables des entreprises qu’il contrôle.

Dans le cas d'EADS, la Cour des Comptes avait noté, dès 2001 :
  • d'une part que l’État s'était laissé placé en position de faiblesse dans le cas de la fusion de la société nationale Aérospatiale et du groupe privé Matra Hautes Technologies,
  • et d'autre part que les actifs français avaient été sous-valorisés deux ans plus tard lors de la fusion avec l'Allemand DASA. Dans sa conclusion sur l'étude de ce cas , elle relevait le risque de délocalisation d'activités jugées stratégiques (sic).

Enfin, ce rapport laissait le sentiment d'un abandon progressif de la maîtrise de l'industrie de défense par l’État, malgré des dispositifs juridiques permettant de sauvegarder nos intérêts nationaux, à condition d'en avoir la volonté.

Ce sentiment, très désagréable pour un patriote, vient se renforcer aujourd'hui, avec l'annonce de la restructuration d'EADS.

Si les médias s'attardent sur le fait que le groupe prendra le nom d'Airbus au 1er janvier 2014 ( ce qui n'a au fond aucun intérêt ), les mêmes médias passent sous silence ce qu'il y a de beaucoup plus important : à savoir le regroupement des activités militaires(Cassidian) et spatiales (Astrium) du groupe au sein d'une seule entité : Airbus Defence and Space (nom en anglais, évidemment).

En outre, cette activité cruciale sera dirigée depuis Munich, et par un Allemand : M. Bernhard Gerwert, un ancien de Messerschmitt-Bölkow-Blohm GmbH (MBB) et actuellement président de l’Association Allemande de l’Industrie Aérospatiale (BDLI).


Le missile français intercontinental M51  
(crédits photos : DGA du ministère de la Défense).
Ces clichés, réalisés le 13 novembre 2008, montrent le premier tir « sous-marin » du nouveau missile balistique M51. Réalisé depuis le Centre d'essais de lancement de missile (CELM) de Biscarosse, il s'agissait du premier essai en immersion à partir du bassin du centre d'essai des Landes de ce missile stratégique intercontinental, dont la portée atteint 9000 kilomètres.Ayant succédé au missile M45, qui datait de 1996, le missile M51 a commencé à équiper nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) à partir de 2010. 
Désormais, son programme de développement va dépendre d'un Allemand...
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Le siège d'Astrium qui fabrique la fusée Ariane (au départ entièrement française) est encore pour peu de temps situé à Suresnes.

Cet Allemand aura entre autres choses la responsabilité des budgets affectés (ou pas) au développement du missile M51, dédié à la force de frappe française ainsi qu'au programme de satellite militaire français Musis. Ce sont bien là des activités relevant d'une souveraineté exclusive ; la dissuasion nucléaire et la connaissance/anticipation.

Tour cela ne semble pas inquiéter le chef des armées.

Laisser faire ce rapt est assurément un crime de haute trahison. Mais, comme l'a rappelé François Asselineau dans l'une de ses dernières conférences, ce crime ne figure plus dans la Constitution française.....

Régis CHAMAGNE
Responsable national de l’UPR
en charge des questions de défense
Colonel E.R.
31 juillet 2013








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COMMENTAIRES COMPLÉMENTAIRES  : 
« SI L’ON VEUT FAIRE UNE EUROPE QUI NE SOIT PAS AU DÉTRIMENT DE LA FRANCE,
ALORS, IL N’Y A PLUS PERSONNE ! »
Charles de Gaulle, 28 octobre 1964
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En complément et en parfaite illustration de l'analyse de Régis Chamagne, je crois utile de citer ci-après un échange extraordinaire de lucidité qui avait eu lieu entre Charles de Gaulle, président de la République française, et Alain Peyrefitte, son ministre de l'information, dans un entretien en tête-à-tête au palais de l'Élysée le 28 octobre 1964. 

Car, voici bientôt un demi-siècle, la problématique était déjà peu ou prou la même qu'actuellement : sous couvert de « construction européenne », des forces étrangères, d'origine anglo-saxonne, s'acharnaient à piller notre patrimoine collectif et à détruire toute influence française.  

Relisons donc cet échange :
( extrait de C'était de Gaulle, Alain Peyrefitte, Fayard 1997, Tome 2, PP. 267-268 ) :


« Alain Peyrefitte : – Le traité de Rome n’a rien prévu pour qu'un de ses membres le quitte(*).

Charles-de-Gaulle : – C’est de la rigolade !
Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonner, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non.
Quand on est couillonné, on dit : « Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp ! »
Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça.

Alain Peyrefitte : – Nous pourrions dire que ce n’est pas nous qui abandonnons le Marché commun, c’est lui qui nous abandonne.

Charles-de-Gaulle : – Mais non ! Ce n’est pas la peine de raconter des histoires ! D’ailleurs, tout ce qui a été fait pour l’Europe, par ce qu’on appelle les « Européens », a très bien marché tant que c’était la France qui payait tout.

On a commencé par la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Ça a constitué en quoi ? En ce qu’on a rendu à l’Allemagne son charbon et son acier, qu’elle n’avait plus car on les lui avait retirés. On les lui a rendus pour rien. Et ça a consisté à donner aux Italiens ce qu’ils n’avaient pas : du charbon et du fer. Alors, ils ont pu faire une industrie métallurgique.
Mais nous, nous n’avons pas retiré un rotin de la CECA, pas un rotin ! Nous avions un problème qui était la modernisation de nos mines, mais nous les avons modernisées sans que la CECA nous donne un sou.
Voilà ce qu’a été la CECA ! C’était une escroquerie, au profit des Allemands et des Italiens !

Après quoi, on a fait l'EURATOM. Et c’est la même chose. Dans l'EURATOM, nous apportons 95 %. Il n’y a que nous qui ayons une réelle capacité atomique. Les autres n’en ont absolument aucune, ni installations, ni spécialistes pour les faire tourner.
Alors, nous mettons en commun nos 95 % de capacité atomique et les autres mettent leurs 5 % et on partage les résultats, chacun au même titre ! C’est une escroquerie !

La Communauté européenne de défense, c’était la même chose.
Pourquoi l’a-t-on inventée ? Parce que les Allemands n’avaient pas d’armée. Alors, comme on avait peur des Russes, il fallait qu’ils en fassent une, mais comment nous vous recommandons voulait pas qu’elle soit sous commandement allemand, on la plaçait sous le commandement du général Norstadt (**).
Mais du coup, on voulait en faire autant pour l’armée française ! C’est l’Europe à leur façon.
Mais si l’on veut faire une Europe qui ne soit pas à notre détriment, alors, il n’y a plus personne !

Évidemment, aujourd’hui, les Allemands commencent à se dire : « Si nous ne faisons pas le Marché commun avec les Français, les Français vont s’arranger avec les Russes. Et ensuite qu’est-ce qui va nous arriver ? Nous serons en danger. » Et c’est parfaitement exact. Si la politique du traité franco-allemand (***), c’est-à-dire le noyau de l’Europe, ne réussit pas, eh bien nous irons vers d’autres.

Alain Peyrefitte : – D’autres, c’est-à-dire les Russes ?

Charles-de-Gaulle : – Naturellement ! Ils voient que le moment est venu, ils nous font des mamours, en se disant : « on va pouvoir s’arranger avec les Français, comme autrefois. » Et dans ce cas, nous cesserons d’être couillonnés, ce sont les Allemands qui le seront. »

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NOTES
  • (*) Cette interrogation d'Alain Peyrefitte et la réponse de Charles de Gaulle sont à replacer dans le contexte de 1964. Comme les lecteurs ayant déjà visionné mes conférences le savent très bien, je rappelle que le traité de Rome (1957) ne contenait en effet aucun article permettant à un État de le dénoncer. Pas plus que les traités de Maastricht (1992), Amsterdam (1997) et Nice (2000). Avec le traité de Lisbonne (2008), ce n'est plus vrai puisque l'article 50 du Traité sur l'Union européenne (TUE) a justement été introduit pour corriger cette absence. Absence qui était d'ailleurs scandaleuse puisqu'elle violait le droit international, tel qu'il est codifié par la Charte de l'ONU et par le Pacte des droits civils et politiques des peuples du monde adopté par l'Assemblée générale de l'ONU le 16 décembre 1966. 
  • (**) Le général Lauris Norstad ( 1907 - 1988) était un général américain de l'US Air Force qui fut nommé commandement Suprême des Forces Alliées en Europe (SACEUR) le 20 novembre 1956 et qui occupa ce poste jusqu'au 31 décembre 1963. Il entretint des rapports très tendus avec la France, du fait de la volonté de Charles de Gaulle de préserver notre indépendance nationale et de sortir progressivement de l’OTAN.


La relecture de cet échange est accablante pour les locataires contemporains de l'Élysée. À un demi-siècle de distance, il nous prouve une nouvelle fois à quel point de Gaulle était, malgré ses défauts et ses erreurs, un visionnaire et un immense chef d'État.

Stratège et géopoliticien de génie, ayant une immense culture historique et militaire, le fondateur de la France Libre et de la Ve République comprenait parfaitement le jeu de tous les acteurs, et avait le courage et la force de caractère nécessaire pour s'opposer de façon énergique - et avec succès - à tous ceux qui voulaient détruire la France.

Cet échange prouve aussi qu'il ne fait aucun doute que, si de Gaulle vivait de nos jours, il ferait immédiatement sortir la France de l'Union européenne et de l'OTAN, et il nouerait des alliances nouvelles tous azimuts avec le monde entier, et notamment avec la Russie.

Faut-il que j'explicite la comparaison avec Nicolas Sarkozy et François Hollande ?

François Asselineau
31 juillet 2013

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