"La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire." Jean-François Revel - Extrait d'un Entretien avec Pierre Assouline - Novembre 1988

mardi 22 janvier 2013

TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND DE L'ÉLYSÉE : 50 ANS DE MYSTIFICATION - PARTIE (2.2) - 15 PIÈCES À CONVICTION POUR DÉMONTER LA PROPAGANDE

========== SUITE ET FIN =========


=====================================================
DOCUMENT N°11

janvier 1964 : CHARLES DE GAULLE PREND LA DÉCISION DE RECONNAÎTRE DIPLOMATIQUEMENT LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
« [ Les Cinq autres États du Marché commun ont] typiquement un comportement de valets ! [...] Ils ne se courbent jamais assez par devant, tout en faisant des grimaces par derrière. Et ils se disent Européens !»
=====================================================

Décidant de mettre en œuvre la contre-stratégie et le renversement des alliances qu'il avait esquissées dans le secret de son bureau élyséen devant Alain Peyrefitte le 11 décembre 1963, Charles de Gaulle décida de commencer l'année 1964 par un coup d'éclat mondial, en reconnaissant diplomatiquement le régime de la République populaire de Chine.

Il faut rappeler qu'à l'époque, le régime communiste installé par Mao Zedong (Mao Tsé-toung selon l'ancienne translittération) en 1949 faisait l'objet d'un boycott total des pays occidentaux sous la pression américaine. Cela durait donc depuis 15 ans. En décidant de reconnaître « la Chine de Mao », Charles de Gaulle prenait donc le contre-pied délibéré des États-Unis d'Amérique et des Cinq partenaires du Marché commun. Il prouvait à la planète entière que la France était une puissance indépendante et souveraine, qui n'a d'instructions - notamment diplomatiques et militaires - à recevoir de personne.

Il est intéressant de lire comment Charles de Gaulle commenta cette affaire en Conseil des ministres le 22 janvier 1964, et en particulier l'attitude des Cinq membres du Marché commun, totalement serviles vis-à-vis de Washington :



Après le Conseil :
[…]

Alain Peyrefitte : – Est-ce que je dis qu'il doit y avoir un communiqué ?

Charles-de-Gaulle – Ne dites rien du tout ! On vous demandera si le Général a l'intention d'en parler dans sa conférence de presse. Vous direz que ça ne vous étonnerait pas. Tant que les gouvernements n'ont pas publié ensemble qu'ils échangeaient des ambassadeurs, on ne peut pas annoncer : « Nous le faisons. » Tout ce qu'on peut dire, c'est que nous avons évidemment averti des gouvernements qui nous sont chers, y compris la Russie soviétique. [Rire.]

Alain Peyrefitte – Comment jugez-vous la conduite des Cinq européens ?

Charles-de-Gaulle : – à voix basse, ils nous disent : « Bravo, comme vous avez raison, nous allons vous imiter dès que nous ne pourrons ! » A voix haute, il proclame : « Quelle erreur ! Ce n'était pas le moment ! C'est un coup de poignard dans le dos des Américains ! » 

C'est typiquement un comportement de valets, qui tremblent de peur à l'idée de contrarier leur maîtres mais par en-dessous manifeste leur satisfaction de voir qu'on lui joue un mauvais tour. Des valets ! Ils ne se courbent jamais assez par devant, tout en faisant des grimaces par derrière. Et ils se disent Européens ! »

C’était de Gaulle, Fayard, 1997, tome 2, page 492




=====================================================
DOCUMENT N°12

13 mai 1964 : CHARLES DE GAULLE DÉCRIT PRÉCISÉMENT LE PROCESSUS DE DOMINATION ENGAGÉ PAR LES AMÉRICAINS
« Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain.»
=====================================================

Quelques mois après, toujours dans le secret de son bureau, le fondateur de la Ve République expliqua àAlain Peyrefitte, en quelques phrases lapidaires et précises, ce qui se cachait en réalité derrière la construction d'une Europe supranationale.  

C'est un extrait du livre de Peyrefitte que je cite souvent dans mes conférences, et que je cite de nouveau ici car il ôte définitivement toute ambiguïté sur ce que pensait, pour de bon, Charles de Gaulle de la prétendue « construction européenne ».

Comme tous ceux que j'ai cités auparavant dans le présent dossier, ce passage décisif n'est absolument jamais repris ni commenté par quelque responsable que ce soit sur la scène politique française. Non seulement, bien entendu, dans le camp des européistes acharnés (UMP, PS, EELV, MoDem, centristes, etc.), mais également dans le camp des « alter-européistes », des « eurocritiques », des « gaullistes » autoproclamés et des prétendus « patriotes ».

Pourquoi ce silence abyssal ?

Pourquoi sinon parce qu'ils sont tous terrorisés à l'idée de dire aux Français la réalité ?



« Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains. L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain.

Les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays Bas sont dominés par les Américains. Les Anglais aussi, mais d’une autre manière, parce qu’ils sont de la même famille.

Alors, il n’y a que la France qui ne soit pas dominée. Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington.

De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. Mais plus on veut le faire, et plus la France devient un centre d’attraction.»

C’était de Gaulle, Editions de Fallois, Fayard, 1997, tome 2, p.217




=====================================================
DOCUMENT N°13

13 octobre 1965 : DÉCISION DE CHARLES DE GAULLE D'ENTAMER UN CHANGEMENT D'ALLIANCE, EN SE RAPPROCHANT DE l'URSS.

« Ce n’est pas fait pour faire plaisir [aux Allemands]. [Ils] ont pris maintenant une position de dissidence par rapport à notre traité de coopération et d’amitié. Nous ne pouvons pas les en empêcher. L’Allemagne suit sa voie et ce n’est pas la nôtre. […]. Ils avaient été mon grand espoir. Ils sont mon grand désappointement.». »
=====================================================

Quelques mois après le coup d'éclat de la reconnaissance diplomatique de la République populaire de Chine, Charles de Gaulle se décida à briser un autre tabou diplomatique imposé par les Américains : celui dit du « containment », c'est-à-dire l'interdiction d'avoir, avec l'Union soviétique et ses satellites, des relations autres que purement diplomatiques et formelles.

C'est la raison pour laquelle il reçut le ministre des affaires étrangères soviétiques à Paris, Alexeï Gromyko, en 1965, puis qu'il demanda à Maurice Couve de Murville, ministre français des affaires étrangères, de se rendre à son tour à Moscou en octobre 1965.   

L'objectif qu'il poursuivait - et qu'il réalisa en effet au cours de l'année 1966 -, était d'entamer une politique de rapprochement spectaculaire avec l'Union soviétique. Son voyage en URSS, qui donna lieu à une couverture médiatique mondiale, posa le principe d'échanges et de consultations réguliers à très haut niveau (la « Grande commission franco-soviétique » notamment).

Ce dispositif n'était pas sans rappeler les intentions formulées dans le traité franco-allemand de l'Élysée du 22 janvier 1963, mais que l'Allemagne avait pour son compte détournées de leur objet comme je l'ai rappelé précédemment. Il s'agissait bien, dans l'esprit de Charles de Gaulle, d'un changement stratégique destiné à contre la manœuvre allemande : 


Salon doré [de l'Élysée], 13 octobre 1965

Alain Peyrefitte : « Les journalistes sont très impressionnés par la visite que Couve [de Murville] va faire à Moscou ; certains, même, lui donnent un sens électoral et vous prêtent l’idée d’empêcher que les communistes soutiennent Mitterrand [à la prochaine élection présidentielle prévue en décembre 1965]

Charles-de-Gaulle – C'est stupide. Ça avait été décidé au moment de la venue de Gromyko [ministre des affaires étrangères de l’URSS] à Paris. Il lui rend tout simplement sa visite. Seulement, c’est important pour le développement de nos relations avec l’Union soviétique.

Alain Peyrefitte – Ça ne va pas faire plaisir aux Allemands.

Charles-de-Gaulle – Ce n’est pas fait pour leur faire plaisir. Mais les Allemands ont pris maintenant une position de dissidence par rapport à notre traité de coopération et d’amitié. Nous ne pouvons pas les en empêcher. L’Allemagne suit sa voie et ce n’est pas la nôtre. […] Alors, nous ne pouvons plus avoir une politique commune avec elle. […] Les Allemands ont vite oublié. On ne peut pas compter sur eux. Ils avaient été mon grand espoir. Ils sont mon grand désappointement.»


C’était de Gaulle, Editions de Fallois, Fayard, 1997, tome 2, pp.303 305


Il faut revoir les couvertures et le contenu des articles d'une revue comme Paris-Match de l'époque. Ils témoignent de l'extrême importance qu'attachèrent les Soviétiques - et de très nombreux pays en voie de développement - face à cette réorientation très marquée de la diplomatie française. Il en résulta pour notre diplomatie et aussi pour notre économie des avancées sensibles, et plus encore un respect accru - de la part des États-Unis d'Amérique et de nos prétendus partenaires européens - quant à la souveraineté et à l'indépendance de la France.



=====================================================
DOCUMENT N°14

27 février 2004 : SIGNATURE DE L'ALLIANCE STRATÉGIQUE GERMANO-AMÉRICAINE POUR LE XXIe SIÈCLE ENTRE LE PRÉSIDENT AMÉRICAIN GEORGE W. BUSH ET LE CHANCELIER D'ALLEMAGNE GERHARD SCHRÖDER.
=====================================================

Le temps a passé.  Charles-de-Gaulle est mort le 9 novembre 1970 et ses successeurs ont très rapidement dilapidé son héritage.À commencer par Georges Pompidou qui, dès le 1er décembre 1969 lors du Sommet européen de La Haye, décida de « relancer la construction européenne » en acceptant le principe de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.

Le 27 février 2004, c'est-à-dire 41 ans après la signature du traité de l'Élysée du 22 janvier 1963, le chancelier d'Allemagne Gerhard Schröder s'est rendu à Washington pour signer, avec le président américain George W. Bush, un document capital baptisé « Alliance germano-américaine pour le XXIe siècle »


27 février 2004 : Le Président américain George W. Bush et le Chancelier d’Allemagne Gerhard Schröder signent  l' Alliance germano-américaine pour le XXIe siècle  ("Das deutsch-amerikanische Bündnis für das 21. Jahrhundert“)



Il est intéressant de lire ce document et de réaliser qu'il grave dans le marbre d'un accord bilatéral entre Washington et Berlin, la même stratégie que celle qui ressortait clairement dans le fameux « protocole interprétatif » voté par le Bundestag allemand le 15 juin 1963. Preuve est ainsi faite que c'est la France qui a changé, ce n'est pas l'Allemagne. Nos voisins d'outre-Rhin ont toujours privilégié - et continuent de privilégier, une alliance avec les États-Unis d'Amérique sur tout autre chose, et en particulier sur la France.

Cette alliance stratégique, qui constitue un véritable bras d'honneur à l'égard des autres pays européens, et en premier lieu à l'égard de la France, fait l’objet d’un consensus CDU-SPD. Elle constitue la négation même du traité de l'Elysée du 22 janvier 1963.


En voici quelques extraits :


« Nous renforçons notre attachement à l’égard de l’OTAN comme point d’ancrage de notre défense commune et comme forum incontournable des consultations transatlantiques.

Nous soutenons le processus en cours d’intégration européenne et soulignons qu’il est important que l’Europe et l’Amérique travaillent ensemble comme partenaires au sein d’une communauté de valeurs.

Nous saluons l’élargissement historique aussi bien de l’OTAN que de l’Union européenne ».


[ Source et texte complet : http://www.diploweb.com/forum/hillard3.htm ]


13 janvier 2006 : Peu de temps après son élection à la Chancellerie, Angela Merkel se rend à Washington pour confirmer au Président américain George W. Bush que la pseudo-alternance gauche/droite qui a eu lieu en Allemagne ne remet pas en cause l’Alliance germano-américaine signée par son prédécesseur.

Cette alliance – qu'aucun parti politique français ne veut présenter à nos concitoyens par peur de briser le mythe du « couple franco-allemand » – constitue le plus bel hommage posthume à la lucidité de Charles de Gaulle.


Elle représente aussi le plus cinglant désaveu pour tous ces contradicteurs qui osaient – et qui osent encore parfois – présenter la prétendue « construction européenne » comme ayant vocation à faire « contrepoids » à l'influence américaine.


L'affiche du Parti Socialiste pour appeler les Français à voter Oui au référendum sur le traité de Maastricht le 20 septembre 1992 apparaît, avec le recul du temps, comme une véritable escroquerie morale et politique. Le PS, avec d'ailleurs beaucoup d'autres forces politiques françaises, a prétendu à nos concitoyens que la « construction européenne » permettrait de « faire le poids » face à l'influence américaine. 31 ans après, le masque est tombé. C'est exactement le contraire qui était vrai, et seul Charles de Gaulle l'avait compris.



=====================================================
DOCUMENT N°15

12 novembre 2004 : PLAN DE "RELANCE" DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ALLEMAND EN FRANCE ET DU FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
=====================================================

Fondé sur une contradiction de départ, dépourvu de tout soutien politique réel du côté allemand, déconnecté du sentiment réel des populations, le traité de l'Élysée du 22 janvier 1963 s'est révélé un traité mort-né. Ses réalisations concrètes se sont rapidement effilochées, pour ne plus guère se limiter désormais qu'à des consultations régulières entre dirigeants, comme il en existe avec bien d'autres États du monde.

Aussi, les objectifs poursuivis par le traité de 1963, notamment par l'Office Franco-Allemand de la Jeunesse, ont-ils été démentis par les faits. Le nombre de jeunes Français qui apprennent l'allemand est passé d'environ 40 % d'une tranche d'âge au milieu des années 60 à environ 15 % à notre époque.

De l'autre côté du Rhin, il en est de même avec la langue de Molière dont l'enseignement est en chute libre.

L'allemand est "devenu une langue rare en France" , tout comme le français est en train de devenir une "langue rare" en Allemagne. Le principal bénéficiaire de cet effondrement étant évidemment l'anglo-américain.

L'effondrement de part et d'autre du Rhin est tellement catastrophique que les ministres français et allemand de l'Éducation ont décidé, à l'occasion du 40e anniversaire du traité de l'Élysée en 2003, de procéder à un « Plan de relance de l'allemand en France et du français en Allemagne » : http://eduscol.education.fr/cid45746/plan-de-relance-in-extenso.html 


Plus de huit ans après ce document, le constat est encore plus accablant : les deux langues continuent de régresser dans l'enseignement respectif des deux pays, tandis que les deux peuples se tournent de plus en plus le dos, en dépit des dérisoires démonstrations du contraire, avec quelques centaines de jeunes convoqués tout exprès devant les caméras.



=====================================================
CONCLUSION : LE "COUPLE FRANCO-ALLEMAND" EST UN MENSONGE FRANÇAIS
======================================================

>
Que signifie au juste ce timbre français qui célèbre, comme dans un monde de "bisounours", le 50e anniversaire du traité de l'Élysée de 1963 ? En fait, il ne s'agit que d'une propagande morte, déconnectée de la réalité.


Le plus pathétique toute cette affaire, c'est que seuls les Français parlent du « couple franco-allemand ». On l'a vu d'innombrables fois - et on le voit encore ces jours-ci en constatant que la presse et les médias français multiplient les commémorations sur le Traité de l'Élysée de 1963, alors que les médias allemands lui consacrent une part beaucoup plus limitée.

Car le problème des Français, c'est que, pour former un couple, il faut que les deux conjoints soient d'accord.

Or les Allemands ont toujours préféré, - et continuent de préférer -, une alliance avec les États-Unis d'Amérique. Pour de très nombreuses raisons, ils se se sentent beaucoup plus proches des Américains que des Français, notamment par les liens migratoires historiques, et aussi par une plus grande proximité de conception du monde.

Les Allemands sont d'ailleurs à  la manœuvre pour mettre sur pied, - à l'insu des peuples et notamment du peuple français -, le « Grand Marché transatlantique » qui devrait consacrer, d'ici quelques années, l'abolition définitive de toute souveraineté politique de l'Europe et de la France vis-à-vis de Washington et de Berlin.
-----------------------

Dès lors, les commémorations officielles des « noces d'or » de ce prétendu « couple franco-allemand » revêtent quelque chose de terriblement artificieux et mensonger. Elles tournent à vide, pendant que la désintégration de notre tissu industriel, la montée en flèche du chômage et l'extension de la pauvreté témoignent de l'absurdité de vouloir « coûte que coûte » que la France ait la même monnaie que l'Allemagne.

Le couple franco-allemand est fondé sur un déni de la réalité et la construction européenne aussi. Or toute l'Histoire mondiale enseigne qu'un système politique qui repose sur un déni de la réalité finit toujours par disparaître.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire