Le gouvernement Grec vient de couper abruptement l'audiovisuel public pour se conformer aux exigences de la troïka à des fins d'économies budgétaires. Et pourtant, les dépenses de la défense nationale, elles, ont été augmentées en 2012. Pourquoi la Grèce laisse-t-elle ses écoliers s'évanouir de faim tout en restant l'un des premiers importateurs d'armes au monde, alors que chaque euro économisé est censé compter ?
L'avion de chasse Rafale de Dassault Aviation : bientôt vendu à la Grèce ?
14.06.2013Par Pascal HérardBaisse généralisée des pensions de retraite (dans le secteur public aussi bien que privé), réduction de plus de 25 % des dotations de l’Etat aux communes, baisse des dépenses de santé de 6,5 % et de 2,9 % dans l'éducation nationale : les sacrifices de la Grèce pour se plier aux exigences de l'Union européenne, le FMI et la BCE, en échange des prêts de "plans de sauvetage", sont colossaux. Et cette liste n'est pas exhaustive, puisque de nombreuses hausses d'impôts et prélèvements ont suivi ces baisses drastiques des financements publics. Mais cependant, et étrangement, un budget s'est vu lui, diminuer en 2010 puis ré-augmenter en 2011 : celui de la défense.
Un budget pour pays menacé militairement ?
Une part importante des dépenses militaires de ce pays surendetté et sous perfusion financière est consacrée à l'achat de matériel de guerre. Le budget de réarmement de la Grèce a d'ailleurs été ramené à 918 millions d'euros en 2012 contre 600 millions d'euros en 2011.
Mais un pays qui s'équipe en permanence en armes est logiquement un pays sous la menace de voisins belliqueux, ou bien situé au sein de régions instables. Serait-ce le cas de la Grèce, pourtant membre de l'Otan, de l'Union européenne et de la zone euro ?
L'invasion turque de Chypre de 1974 est traditionnellement invoquée pour justifier cette dépense en armement très élevée de la Grèce. Mais près de trente ans après cette agression qui généra la partition de Chypre, alors que la Turquie est membre de l'OTAN, tout comme la Grèce, il est difficile d'imaginer une action militaire de la riche et stable Turquie à l'encontre de son voisin. Malgré tout, la Grèce fait partie du "top 15" des plus gros importateurs mondiaux d'armes (en dollars), à égalité avec le Royaume-Uni, sur la période 2008-2012.
Prêter et reprendre ?
Un élément reste troublant au sujet des dépenses grecques en armement : ceux qui prêtent le plus à la Grèce dans le cadre des plans de sauvetage européens sont les mêmes qui lui vendent le plus d'armes : la France et l'Allemagne. Alors pourquoi les demandes de restrictions budgétaires dans le cadre du prêt de 110 milliards en 2010 n'ont-elles pas concerné l'achat d'armement ? Parce que la France et l'Allemagne y auraient trop perdu ?
Le rapport français 2012 sur les ventes d'armes démontre que les contrats de la France vers la Grèce, même si ils ont baissé, sont les plus importants dans l'Union européenne (cf Rapport 2012 sur les exportations d’armement au Parlement) :
Le montant des ventes d'armes de la France à la Grèce pour cette période correspond à plus d'un quart du montant de toutes les ventes de la France au sein de l'Union européenne :
Ce constat fait sourire le chercheur de l'IRIS : "Cette attitude est totalement schizophrénique, bien entendu : d'un côté l'Allemagne et la France demandent à la Grèce de baisser ses dépenses publiques pour lui prêter de l'argent, et de l'autre, elles récupèrent des milliards en ventes d'équipement militaire".Mais pourquoi donc un Etat doté d'une économie aussi faible aurait-il des budgets militaires aussi importants ? Pour l'année 2012, la comparaison entre les pays de la zone euro les plus riches en terme de PIB et la Grèce, sur les dépenses d'armement, laisse songeur (cf Rapport 2012 sur les exportations françaises d'armement).
Vieilles habitudes
Sur la menace militaire turque, l'expert estime "qu'elle n'est plus réelle, mais on ne baisse pas du jour au lendemain un budget militaire resté très haut pendant des décennies. Il est vrai que le programme d'armement grec est bien plus élevé que d'autres en Europe, eu égard à la taille et la capacité financière du pays ; pour autant, il est moins important aujourd'hui qu'il y a trente ans, comme celui de la Turquie."
Dans cette période d'austérité aux effets dramatiques, la Grèce continue néanmoins de dépenser de façon très importante pour son armement. Ses créanciers et fournisseurs de matériels militaires, France et Allemagne en tête en sont très certainement les premiers responsables… et bénéficiaires. Sur ce sujet, l'expert à l'IRIS conclut ironiquement : "La Grèce a toujours été connue pour sa corruption gouvernementale, et la France, l'Allemagne encore plus, ont su profiter de cet état de fait, comme le contrat de chars d'assaut Léopard allemands l'a démontré (un contrat de 15 milliards d'euros signé en 2002, ndlr) - on peut penser qu'il y a toujours des contrats non honorés, et des dettes non payées…"
Traduit de façon plus triviale : les affaires continuent envers et contre tout ?
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